Son profond, geste altier, tempos amples mais qui ne donnent jamais la sensation de traîner, plutôt celle d’un espace infini, Jean-Paul Gasparian est décidément chez lui chez Rachmaninov. Pas une once de sentimentalité, un discours classique équilibré dans un admirable jeu à dix doigts, avec une main gauche fabuleuse qui contre-chante comme le faisait Rachmaninov lui-même, ce n’est pas un mince compliment.
En place des élans romantiques, un art de dire, une poétique des notes qui surprend, tant la palette expressive est constamment alliée à une maîtrise des dynamiques. Mieux, Jean-Paul Gasparian s’exalte autant au grand jeu en accords qu’aux traits vifs, toutes ces portées de petites notes que Nikolai Medtner aimait tant chez son ami, qu’il faut savoir chanter et dorer : elles ne sont pas qu’ornements, mais bien un élément fondateur de la syntaxe Rachmaninov. À ce titre, l’épisode central de l’Adagio sostenuto tient du prodige.
Magnifique d’attention, l’accompagnement des Bernois inspirés par Stefan Blunier avivent encore les couleurs et l’ampleur d’un piano hélas non précisé (cette manie des éditeurs de ne pas documenter l’instrumentarium).
Surprise, le jeune homme magnifie la Ballade héroïque d’Arno Babadjanian, compositeur majeur de l’ère soviétique trop longtemps resté dans l’ombre de Khachaturian. Jean-Paul Gasparian serait bien inspiré de nous offrir tout un album de ses splendides pièces pour le piano.
LE DISQUE DU JOUR
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en ut mineur, Op. 18
Arno Babadjanian (1921-1983)
Ballade héroïque pour piano et orchestre
Jean-Paul Gasparian, piano
Berner Symphonieorchester
Stefan Blunier, direction
Un album du label Claves Records 50-3004
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Photo à la une : le pianiste Jean-Paul Gasparian – Photo : © Yoshie Kuwayama