Charles Kœchlin aura réussi un tour de force, et aussi un peu un tour de magie : avoir enfermé dans l’espace de la flûte traversière tout son univers.
Les trois cahiers des Chants de Nectaire comptent parmi ses chefs-d’œuvre, de diffusion fatalement marginale : tous les flûtistes en auront travaillé quelques pièces, hier Pierre-Yves Artaud en gravait l’essentiel, lecture coupante, moderniste, salissante certes par le métal de l’instrument mais peu sensible aux sous-textes, et même aux titres largement évocateurs donnés à chaque pièce.
Nicola Woodward prend le contrepied dès le Premier Livre, faisant entendre l’inspiration foisonnante que Kœchlin tira de La Révolte des anges d’Anatole France dont l’un des personnages mythiques donna son nom au recueil regroupant les 96 pièces : Nectaire, l’Archange philosophe et flûtiste.
La sensualité de sa sonorité, la tension de ses phrasés, l’art qu’elle met à jouer avec l’acoustique de la Cathédrale Clifton de Bristol, laissant les sonorités se déployer comme le voulait Kœchlin, l’imagination dans les colorations marient d’un même geste l’élévation spirituelle et la fluidité dansée de bien des pages.
Elle va plus loin encore dans le pouvoir hypnotique du Second Livre (Kœchlin les nomme d’ailleurs « séries », mais j’ai toujours eu le sentiment de trois livres différents et non de chapitres). Elle parcourt avec une grâce rêvée, des sonorités pétries d’atticisme, cette forêt antique que conclut un stupéfiant cortège de Dionysos.
Sommet de ce voyage, le Troisième Livre marie les prières et les danses, musique fascinante que la flûtiste détaille avec volupté, jusque dans les pages de lamentation ou les scènes pédagogiques.
Désormais, il sera impossible de ne pas s’immerger dans cet univers.
LE DISQUE DU JOUR
Charles Kœchlin (1867-1950)
Les Chants de Nectaire
Nicola Woodward, flûte
3 albums ou un coffret du label Hoxa HS190208
Acheter l’album sur Amazon.fr :
Vol. 1, Vol. 2 et Vol. 3 –
Télécharger ou écouter les albums en haute-définition sur Qobuz.com :
Vol. 1, Vol. 2
Photo à la une : la flûtiste Nicola Woodward – Photo : © DR