On ne l’a pas oublié, Jean-Philippe Collard était entré dans la cour des grands avec son intégrale aussi inattendue que spectaculaire des deux cahiers des Etudes-tableaux de Rachmaninov. Il aura poursuivi au disque chez l’auteur des Cloches, et jusqu’à une intégrale des Concertos pour piano admirable par son geste classique, pas si éloignée que cela de celle du compositeur.
Jeune homme, il était allé prendre conseil auprès d’Horowitz, est-ce alors que le virus Scriabine l’aura contaminé ? Qui sait ! Il aura fallu attendre 2022 pour qu’enfin paraisse sa lumineuse lecture du Concerto, sans un gramme de sentimentalité et chantant comme le plus pur Chopin.
Il l’avait enregistré en 2007 à Ankara avec le fidèle Emil Tabakov, puis était resté mystérieusement dans les cartons ; comme Michael Adda a eu raison de le publier, il domine la discographie d’une œuvre piégeuse, à égalité avec celle de Bashkirov et le disque parfait de Vladimir Ashkenazy et Lorin Maazel, mais Jean-Philippe Collard est bien le seul à faire ainsi chanter l’alouette de l’Andante et à faire danser les guirlandes du Finale.
Aux mêmes sessions figurait une lecture haute en couleurs du formidable Concerto-fantaisie de Rimski-Korsakov, œuvre inclassable, que le pianiste élance dans sa sonorité athlétique.
Entre les concertos, un petit récital Scriabine, deux Études jouées sans pathos, le merveilleux diptyque pour la main gauche – son Nocturne est aussi beau que ceux des Neuhaus, père ou fils, et son trille égale les leurs – et une Quatrième Sonate dorée à mesure, vrai poème sensuel jusque dans le volando qui ne rougirait pas devant celui de Samuel Feinberg, l’ensemble enregistré en 2011. Et si Jean-Philippe Collard nous donnait demain un peu plus de Scriabine ?
LE DISQUE DU JOUR
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Concerto pour piano et orchestre en fa dièse mineur, Op. 20
Étude en si bémol mineur,
Op. 8 No. 11
Étude en ré dièse mineur,
Op. 8 No. 12
Prélude et Nocturne pour la main gauche , Op. 9 No. 1
Sonate pour piano No. 4 en fa dièse majeur, Op. 30
Nikolai Rimsky-Korsakov (1732-1809)
Concerto pour piano et orchestra en ut dièse mineur
Jean-Philippe Collard, piano
Bilkent Symphony Orchestra
Emil Tabakov, direction
Un album du label La Dolce Volta LDV92
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Photo à la une : le pianiste Jean-Philippe Collard – Photo : © Bernard Martinez