Culte imaginaire

Paul Agnew et Les Arts Florissants osent reconstituer un office fictif, fantasmant une grande messe de parade que Vivaldi aurait pu écrire pour les religieuses si musiciennes de l’Ospedale della Pieta.

Après tout, des tentatives semblables, et souvent réussies, auront été menées dans le corpus sacré de Monteverdi, assemblant pour confectionner des « Vêpres de Noël » des opus pris dans la Selva morale e spirituale.

Cette messe imaginée, Paul Agnew la déduit d’une certitude : lors d’une visite du roi du Danemark, Vivaldi dirigea à l’Ospedale un Agnus Dei. Il assemble autour des splendeurs festives du Gloria RV 589 tout un office où le brillant alterne avec le recueillement, des folies virtuoses du Linguis favete, omnes silete envolées par Sophie Karthäuser, à la sublime méditation d’accueil du Benedictus qui venit in nomine Domini qui offre à Lucile Richardot un de ces moments suspendus dont son chant a le secret.

Recréation fictive, souvent saisissante, donnant l’image d’une messe tirant vers l’opéra, ce qui la rend crédible dans cette Venise des théâtres où même le sacré était proche de l’action dramatique.

Les Arts Florissants lui confèrent, peut-être malgré eux, une couleur absolument française, pour ne pas écrire « versaillaise », paradoxe ajoutant à la fascination d’un disque décidément singulier, autant par son pré-supposé que par sa réalisation.

LE DISQUE DU JOUR

Antonio Vivaldi (1678-1741)
Kyrie Eleison, RV 587
Ostro picta, armata spina (Motet), RV 642. Introduzione al Gloria
Gloria, RV 589
Credo, RV 591
Sanctus (d’après Beatus Vir, RV 597/1 et Dixit Dominus, RV 807/7)
Benedictus (d’après Dixit Dominus, RV 807/8)
Agnus Dei (d’après Magnificat, RV 610/1 & 8 et Kyrie RV 587)

Sophie Karthäuser, soprano
Lucile Richardot, contralto
Renata Pokupić, mezzo-soprano

Les Arts Florissants
Paul Agnew, direction

Un album du label harmonia mundi HAF8905358
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Photo à la une : le ténor, chef de chœur Paul Agnew – Photo : © DR