L’œuvre de Kabeláč, emblématique des années de plomb où la Tchécoslovaquie était enferrée dans la gangue soviétique, risquait de sombrer dans un certain purgatoire depuis les gravures historiques que lui avaient consacrées Karel Ančerl, Václav Smetáček, Alois Klíma ou Martin Turnovský, même si Supraphon les a maintenues tant bien que mal à son catalogue.
Bonheur de voir donc un chef de la jeune génération se dévouer à l’illustration d’un corpus historiquement essentiel : après l’intégrale des Symphonies (voir ici), Marko Ivanović réunit quatre œuvres emblématiques de l’évolution de l’univers de Kabeláč (que l’éditeur fait naître un peu tôt et mourir un peu jeune, 1953 au lieu de 1979).
La grande passacaille du Mystère du temps avance, imparable, sombre, superbe, qui édifie son crescendo exalté où passent quelques souvenirs de Chostakovitch. L’Improvisation sur « Hamlet », qui bat à l’incipit son tambour, invite à un théâtre d’orchestre fascinant et sans équivalent au début des années soixante de ce côté-ci du Rideau de Fer, alors que Reflets cherche dans un jeu mathématique l’équivalence sonore – formes et couleurs – d’une toile de Kupka : neuf haïkus de timbres.
Quasi ultima verba, Métamophoses II, avec son piano minimaliste, montre qu’à son terme Kabeláč regardait d’autres mondes, déconcertants au premier abord.
LE DISQUE DU JOUR
Miloslav Kabeláč
(1908-1979)
Le Mystère du temps.
Passacaille, Op. 31 (1953-1957)
Improvisation sur « Hamlet », Op. 46 (1962-1963)
Reflets. 9 Miniatures, Op. 49 (1963-1964)
Métamorphoses sur l’ancien Hymne tchèque « Hospodine, pomiluj ny », avec piano, Op. 58 (1972)
Miroslav Sekera, piano
Orchestre Symphonique de la Radio de Prague
Marko Ivanović, direction
Un album du label Supraphon SU4312-2
Acheter l’album sur le site du label Supraphon, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le compositeur Miloslav Kabeláč – Photo : © DR