Une rencontre

Le piano d’abord, un grand meuble bâti au plus sombre de la Première Guerre mondiale dans les ateliers du facteur Schidmayer à Stuttgart, graves d’orgue, mediums d’alto et de violoncelle, aigus scintillants qui ne claironnent jamais, l’instrument est une pure merveille.

Ses registres si différenciés, l’ampleur de sa sonorité, la clarté polyphonique qu’ils autorisent auront séduit, autant Stephen Paulello (quel miroir lui tend cet instrument historique !), qui en aura accompagné la restauration entreprise par Laurent Bessières, que Jean-Nicolas Diatkine.

Le pianiste aurait-il trouvé l’instrument de son art si puissamment coloré, si intense ? Oui, et la profusion des timbres, la longueur des harmoniques, un double échappement assez prodigieux invitent dans la brassée de Lieder de Schubert les mots en plus des notes, l’exact sentiment des poèmes, Atlas terrible, Erlkönig haletant, Doppelgänger sinistre : tout un ballet d’ombres, tout un monde de contes noirs animés dans les profondeurs de ce piano hors normes dont Horowitz se serait régalé, tant il dispense de couleurs. Fascinant.

Les transcriptions d’après Wagner ne le sont pas moins, ce vaste clavier rivalisant avec l’imaginaire orchestral que Jean-Nicolas Diatkine peint à fresque, de la Mort d’Isolde à la célébration du Graal.

Et si finalement le sommet de cet album surprenant était autre qu’une transcription ? L’orageuse Deuxième Ballade de Liszt déploie ici son soleil noir comme rarement (Claudio Arrau…) au disque.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Liszt (1811-1886)
12 Lieder von Franz Schubert, S. 558
(No. 2. Auf dem Wasser zu singen ; No. 4. Erlkönig ; No. 8. Gretchen am Spinnrade ; No. 10. Rastlose Liebe ; No. 12. Ave Maria)

Schwanengesang (after Schubert’s D. 957), S. 560
(No. 1. Liebesbotschaft ; No. 4. Ständchen ; No. 8. Der Atlas ; No. 13. Der Doppelgänger)

Ballade No. 2 en si mineur, S. 171
Isoldes Liebestod aus Wagners „Tristan und Isolde“, S. 447
Elsas Brautzug zum Münster, S. 445/1
Pilgerchor aus „Tannhäuser“, S. 443
Feierlicher Marsch zum Heiligen Gral aus „Parsifal“, S. 450

Jean-Nicolas Diatkine, piano (Schiedmayer, Stuttgart, 1916)

Un album du label solo musica SM399
Acheter l’album sur le site du label Solo Musica, sur le site www.ledisquaire.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : le pianiste Jean-Nicolas Diatkine – Photo : © DR