Debussy jouait son piano sans marteau, Konstantin Emelyanov ne suit pas son exemple : des marteaux, son piano en regorge sans qu’ils saturent le grand cadre de son Yamaha auquel il reste fidèle depuis son premier album pour Melodiya consacré à Tchaikovski (et devenu introuvable depuis la guerre génocidaire entreprise par la Russie envers l’Ukraine).
La clarté est totale, on pourra crier à la radiographie qui dès Voiles fait entendre cette ponctuation de la main gauche qui devrait rester dans l’ombre. Ce qu’a vu le vent d’Ouest ravageur, spectaculaire, qui signale un virtuose de première force pas toujours accordé à la subtilité debussyste : la liberté qu’il prend dans la section médiane des Collines d’Anacapri, froissant le rythme pour un improbable tango, dit assez qu’il tient plus à sa vision qu’au texte.
Certains préludes périssent d’ennui : Des pas sur la neige vides, La Fille aux cheveux de lin décolorée. Mais La Sérénade interrompue très gitane avec sa guitare rageuse et sa cantaora, la cabriole de La Danse de Puck, le côté parade de Minstrels sont décidément bien vus.
L’intérêt serait-il plutôt dans des Visions fugitives elliptiques, comme caressées lors d’un songe d’opium. Probablement, mais le propos du pianiste y est plus conforme à l’habitude, comme pour le grand geste virtuose de la Sonate de Barber, si bien que c’est d’abord ce Premier Livre des Préludes, irritant, insolent, inégal, qui surprend l’écoute, en bien et en mal à égalité, mais signale un sacré pianiste.
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
Préludes, Livre 1, CD 125,
L. 117
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Visions fugitives, Op. 22
Samuel Barber (1910-1981)
Sonate pour piano en mi bémol mineur, Op. 26
Konstantin Emelyanov, piano
Un album du label Fuga Libera FUG812
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Photo à la une : le pianiste Konstantin Emelyanov – Photo : © DR