La Pavane, le Tombeau de Couperin, le Trio, les Linos les réunissent sous l’idée de la danse, et s’approprient dans des arrangements aussi sensibles que brillants les deux premiers.
Dès les accords initiaux du Trio, le son du Érard nous plonge dans l’univers de Montfort-l’Amaury, musique des songes, balcon ouvert sur la forêt, comme si Ravel était au piano ; illusion !, Ravel n’acquerra sa délicieuse bicoque qu’en 1921, le Trio et le Tombeau de Couperin cernent la Grande Guerre, la Pavane remonte au siècle précédent, mais les teintes de ce Érard, la sonorité si colorée et élégante du violon (une copie d’un Guarneri signée Peter Greiner), le ton intime du magnifique violoncelle napolitain des années 1880 que joue Vladimir Waltham avec tant de poésie nostalgique, font que l’on a vraiment la sensation de se trouver dans le salon de Ravel.
L’interprétation est merveilleuse, un rien océanique et donc un peu fauréenne (le Modéré, même la Passacaille ! après tout l’œuvre fut conçue à Ciboure, face à l’Atlantique), une pointe de fantasque anime un fabuleux Pantoum porté par les registres si contrastés du Erard, un Final solaire, merveille qui redistribue les cartes d’une discographie abondante (et qui à mon goût a été dominée jusque-là par le grand geste de Pludermacher, Jarry et Tournus pour EMI Classics).
Et les arrangements ? Celui de la Pavane est sage, mais décidément bien vu, celui du Tombeau absolument réussi en ce qu’il habille la version pour le seul piano sans regarder la version orchestrale, du moins pour les mouvements qu’a choisi d’y transporter le compositeur. Les trois amis s’autorisent des libertés prouvant qu’ils ont tout compris de ce Tombeau où Ravel évoque pudiquement ses morts de la Grande Guerre en célébrant l’esprit français. Même la difficile Fugue est une réussite, et écoutez les effets de « chats » dans la Forlane, clins-d’œil sonores à L’Enfant et les sortilèges !
L’imagination au pouvoir, vertu ravélienne s’il en est, enchante ce disque.
LE DISQUE DU JOUR
Maurice Ravel (1875-1937)
Trio pour piano, violon et violoncelle en la mineur, M. 67
Pavane pour une infante défunte, M. 19 (arr. pour trio : Linos Trio Piano)
Le Tombeau de Couperin,
M. 68 (arr. pour trio : Linos Trio Piano)
Linos Piano Trio
(sur instruments d’époque)
Un album du label CAvi-Music 8553526
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Photo à la une : l’ensemble Linos Piano Trio – Photo : © Tim Mintiens