30 avril 1981, Christa Ludwig entonne la Rhapsodie de Brahms entourée par un orchestre mystique. Le temps se suspend avant que le récit ne déploie sa méditation douce-amère. Qui dirige ainsi ce qui est probablement, devant même ses enregistrements de studio avec Otto Klemperer ou Karl Böhm, sa plus étreignante version ? Eugen Jochum. Ce concert munichois augmente la discographie du chef d’une œuvre maîtresse, puis d’une seconde avec une lecture capricieuse des Variations Hiller de Max Reger, merveille qu’en précède une autre prise dans un autre concert, où il retrouve Christa Ludwig, chez Reger toujours, pour une lecture hypnotique de An die Hoffnung.

C’est l’une des perles du collier artistement composé par les Münchner Philharmoniker pour célébrer leur 125e anniversaire en 2018. Valery Gergiev était alors leur directeur musical, deux disques témoignent d’un magister qui a cessé avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie ; les Münchner Philharmoniker ont pris soin de retirer depuis tous les enregistrements effectués sous sa direction, seuls demeurent au catalogue ceux « piégés » dans cette belle boîte. Une Schéhérazade littérale, une 4e de Chostakovitch sans abîmes, ne devront pas vous détourner d’une roide Symphonie pour instruments à vents de Stravinski.

Reste que les merveilles sont ailleurs, dans un alerte doublé Schubert 5 Mozart 40 inondé d’un vaste soleil par Günter Wand, au long d’une Neuvième de Schubert d’une fluidité absolue dès l’appel initial du cor selon Christian Thielemann, ou pour une Zauberflöte sagement dirigée par Fritz Rieger mais chantée avec ardeur par une troupe qui aligne Fritz Wunderlich, Anneliese Rothenberger, Hermann Prey ou Erika Köth.

Munich dans toute sa gloire !, même lorsque Zubin Mehta est peu attendu dans un programme Mozart : sa Gran Partita, vraie musique de plein air, contraste avec une lecture « philologique » du Requiem de Mozart qui ne conserve que les parties effectivement composées par l’auteur.

La Damnation de Faust selon James Levine, fulgurante de poésie comme de fantaisie, avec le Méphistophéles de José van Dam et la Marguerite de Katarina Dalayman, rappelle à quel point son cycle Berlioz pour Deutsche Grammophon s’inscrivait au sommet de sa discographie, mais elle laisse pourtant le pas côté œuvres vocales inclassables à une lecture émouvante du Von deutscher Seele de Hans Pfitzner emportée par la baguette d’un Horst Stein décidément poète contre la légende qui le prétend prosaïque. Le Requiem de Verdi volontairement dé-théâtralisé par Lorin Maazel était bien connu, déjà publié par Sony Classical, mais paraît ici dans une restitution sonore supérieure.

Surprise, aucun témoignage de l’art de Rudolf Kempe, pourtant patron des Münchner Philharmoniker durant quasi dix ans (1967–1976), mais deux pour Hans Knappertsbusch : Héroïque impérieuse, Deuxième Symphonie de Brahms aux phrasés surprenants, avec un timbalier fou dan la coda.

Ah oui, j’ai gardé pour la fin ceci : écoutez la Suite scythe selon Sergiu Celibidache.

LE DISQUE DU JOUR

Münchner Philharmoniker
125-jähriges Jubiläum

CD 1
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 3 en mi bémol majeur, Op. 55 « Eroica » (17 décembre 1953)
Münchner Philharmoniker – Hans Knappertsbusch, direction

CD 2
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 73 (13 octobre 1956)
Münchner Philharmoniker – Hans Knappertsbusch, direction

CD 3-4
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Die Zauberflöte, K. 620 (26 juillet 1964)
Erika Köth, soprano – Anneliese Rothenberger, soprano – Fritz Wunderlich, ténor – Hermann Prey, baryton – Münchner Philharmoniker – Fritz Rieger, direction

CD 5
Johannes Brahms (1833-1897)
Rhapsodie pour contralto, choeur d’hommes et orchestre, Op. 53 (30 avril 1981)
Max Reger (1873-1916)
An die Hoffnung, Op. 124 (8 novembre 1979)
Variations et Fugue sur un thème de Hiller, Op. 100 (30 avril 1981)
Christa Ludwig, mezzo-soprano – Münchner Philharmoniker – Eugen Jochum, direction

CD 6
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Suite scythe (Ala et Lolly), Op. 20 (17 janvier 1980)
Roméo et Juliette, Op. 64 (extraits) (22 juin 1988)
Münchner Philharmoniker – Sergiu Celibidache, direction

CD 7
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sérénade [No. 10] pour 12 instruments à vent et contrebasse en si bémol majeur, K. 361/370a « Gran Partita »
Requiem en ré mineur, K. 626
Ave verum corpus, K. 618
Mojca Erdmann, soprano – Okka von der Damerau, mezzo-soprano – Michael Schade, ténor – Christof Fischesser, basse – Münchner Philharmoniker – Zubin Mehta, direction (22-26 mars 2016)

CD 8-9
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Messa da Requiem (2015)
Anja Harteros, soprano – Daniela Barcellona, mezzo-soprano – Wookyung Kim, ténor – Georg Zeppenfeld, basse – Münchner Philharmoniker – Lorin Maazel, direction

CD 10
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie No. 40 en sol mineur, K. 550 (17 janvier 1991)
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 5 en si bémol majeur, D. 485 (18-23 février 1997)
Münchner Philharmoniker – Günter Wand, direction

CD 11-12
Hans Pfitzner (1869-1949)
Von deutscher Seele, Op. 28 (11-16 juin 1998)
Luana DeVol, soprano – Doris Soffel, mezzo-soprano – Thomas Moser, ténor – Alfred Muff, – Münchner Philharmoniker – Horst Stein, direction

CD 13-14
Hector Berlioz (1803-1969)
La Damnation de Faust, Op. 24, H 111 (4-6 juin 1999)
Katarina Dalayman, mezzo-soprano (Marguerite) – Marcello Giordani, ténor (Faust) – José van Dam, baryton (Méphistophélès) – Roderick Earle, baryton (Brander) – Münchner Philharmoniker – James Levine, direction

CD 15
Franz Schubert (1797-1828)
Symphonie No. 8 en ut majeur, D. 944 « Grande » (11-15 janvier 2006)
Münchner Philharmoniker – Christian Thielemann, direction

CD 16
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie No. 4 en ut mineur, Op. 43 (2 novembre 2011)
Münchner Philharmoniker – Valery Gergiev, direction

CD 17
Igor Stravinski (1882-1971)
Symphonies d’instruments à vent, K 036 (22-26 février 2018)
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908)
Schéhérazade, Op. 35 (12-13 mai 2017)
Münchner Philharmoniker – Valery Gergiev, direction

Un coffret de 17 CDs du label Münchner Philharmoniker Archive MPHIL0011
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Photo à la une : © DR