Arachnéens, diaphanes, en sourdine, les Voce entrent dans le Quatuor de Ravel comme s’ils sortaient d’un songe. L’onirisme de leur lecture en surprendra plus d’un, la finesse des quatre archets faisant le discours infiniment subtil, fuyant tout au long d’un Allegro très moderato où soudain, à l’acmé, le paysage s’ouvre un instant avant que le pizzicato façon guitare ne replonge dans le rêve de ce thème tout simple, sinueux, mélancolique, comme Petit Poucet cherchant son chemin dans la forêt où l’a abandonné Perrault.

Le vrai trésor du disque, aussi émouvant et senti que soit cette version du Quatuor, est peut-être bien là, côté contes. La transcription de Ma mère l’Oye signée Emmanuel Ceysson est prodigieuse de nostalgie, de poésie, caractérisant les personnages (formidable Rémi Delangle faisant la Belle et la Bête d’une clarinette l’autre), créant des paysages où la harpe et les bois épicent d’effets saisissants une Laideronnette vertigineuse, un Jardin passant des ténèbres à la lumière zénithale. Magique simplement, comme la langueur érotique, très Faune, qui berce puis envole l’Introduction et Allegro.

Tant de sortilèges soulignent le relatif desséchement du Cinquième Quatuor de Bruno Mantovani dont la poétique de l’instant m’échappe, mais je ne doute pas que certains la trouveront.

LE DISQUE DU JOUR

Poétiques de l’instant II

Maurice Ravel (1875-1937)
Quatuor à cordes en fa majeur, M. 35
Ma mère l’Oye – Suite de Cinq pièces (enfantines), M. 60 (arr. pour septuor : Emmanuel Ceysson)
Introduction et Allegro, M. 46
Bruno Mantovani (né en 1974)
Quatuor à cordes No. 5

Juliette Hurel, flûte
Rémi Delangle, clarinette
Emmanuel Ceysson, harpe
Quatuor Voce

Un album du label Alpha Classics 933
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Photo à la une : les membres du Quatuor Voce – Photo : © Sophie Pawlak