Madame Liszt

Tout un disque Enesco, comme son accompagnement versicolore pour un album de mélodies de Respighi (voir ici), m’avaient surpris en bien. J’avais été un peu étonné de la voir ensuite choisir Liszt, et plus encore les si périlleuses Harmonies poétiques et religieuses, cycle spirituel avant tout, moins pictural que les Années de pèlerinage où je pensais qu’elle irait d’abord.

Une première écoute de ce piano si profond, si grave, si recueilli m’avait fait remiser le disque : les choses sérieuses doivent s’écouter longtemps. La voyant revenir à Liszt, avouant un tropisme qui la guide dans ce qui semble un cycle dédié au Hongrois, et surpris par l’originalité du programme, je me replongeais d’abord dans les Harmonies.

Ces Funérailles sans pathos, sombres, amères, cette Bénédiction mystérieuse comme un vitrail, ce Cantique d’amour en sonorités irréelles, c’est entendre d’abord Liszt poète, le magnifier dans un piano au nuancier dynamique et pesées infinitésimales, à la palette subtile. La virtuosité, l’autorité ne manqueront pas, mais toujours sans tapage, dans le corps de l’instrument.

Le second album dévoile un jeu aux raffinements redoublés. Programme périlleux et d’abord pour les lisztiens. Le ton réservé des Consolations en aura perdu plus d’un, prompts à mettre la main sur le cœur, et les Liebesträume itou. Elle les rend l’un l’autre à leurs vertus poétiques premières, les joue comme des sonnets, et pour les Liebestraüme, y compris pour le célébrissime troisième, de diction, de suspension, de couleur, très proches des Pétrarque que j’aurais bien entendus à la suite.

Mais non, l’album se referme sur les Légendes, perles de chants d’oiseaux caressés comme chez Kempff (connaît-elle son Decca ?), proclamation du miracle de Saint François de Paule dans un clavier commencé très sombre et un peu dans le souvenir d’une marche, que conduit un crescendo construit à mesure, où l’on voit le pas sur l’onde, avant la vaste méditation.

Au centre du disque, son inverse, quatre Valses, pas les plus célèbres, mais celles dites « caprices », où soudain les lustres des salons parisiens tintent en écho aux fantaisies du virtuose, et puis la Valse-impromptu, tout cela joué en élégances, entrechats, sourires, apartés : les doigts caressent et volent, pas un marteau dans ces touches impondérables et véloces pourtant gorgées de timbres.

Et demain, Liszt encore, et peut-être du plus rare, un album autour des Portraits historiques hongrois, les Glanes de Woronice, les Polonaises, les Méphisto-Valses au complet, la sublime Berceuse ?

LE DISQUE DU JOUR

Franz Liszt (1811-1886)
6 Consolations, S. 172
3 Caprices-Valses, S. 214
Valse-Impromptu, S. 213
Liebesträume, S. 541
2 Légendes, S. 175

Saskia Giorgini, piano
Un album du label Pentatone PTC5187045
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Franz Liszt (1811-1886)
Harmonies poétiques et religieuses III, S. 173 (Intégrale)

Saskia Giorgini, piano
Un album du label Pentatone PTC5186296
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Photo à la une : le pianiste Saskia Giorgini – Photo : © Julia Wesely