Bach aura péché le premier, raptant pour ses claviers Vivaldi, Marcello, Reincken e altri : à ce titre Mario Brunello aurait eu tort de renoncer à l’extension de son domaine de jeu. Comme pour son intégrale des Suites, il joue ici un merveilleux violoncelle piccolo aux teintes de voix humaine.
La métamorphose, saisissante à force de bel canto pour le Concerto, BWV 1054, ne fait jamais regretter le clavecin tant le chant continu de l’Adagio, jusque dans son pianissimo que décore un luth, est touchant, et comme l’archet danse dans le Finale ! Puisque Bach, comme le voulait l’usage du temps, aimait à multiplier les possibilités en pensant ses concertos pour des formations changeantes, Mario Brunello convoque son italianita pour ce que Bach aura pris à Vivaldi ou Marcello, faisant resurgir la lagune dès l’Allegro du Concerto en ré majeur (Vivaldi), et plus encore dans l’opus dévié du merveilleux Concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello.
La vraie surprise vient de la proposition audacieuse, mais si aboutie, de Riccardo Doni qui dirige vif et preste son Académie de l’Annonciation : faire oublier le clavecin du Concerto italien. Plus rien de ce motorisme que tant de claviéristes y auront mis, mais dans le tempo giusto des cordes, un débordement d’Italie où Vivaldi donnerait la main à Corelli.
Vous avez dit « violoncello piccolo » ? Anner Bylsma le premier enregistra au piccolo les Suites que Pau Casals avait ancrées dans la grande caisse. On croit savoir que Bach aimait les jouer à l’alto, l’autre de ses instruments domestiques avec le clavicorde. Cinq ans après avoir gravé les Sonates et Partitas pour violon sous étiquette Deutsche Grammophon, voici que Giuliano Carmignola s’approprie les Suites pour violoncelle sur un poétique Pietro Guarneri de 1733.
Grand « violone », aux teintes d’alto, à la longueur de son qui justement rappelle l’alto que Lillian Fuchs, en pionnière, osa ici. La proposition est transcendante, d’abord parce qu’elle ose résoudre par le dépassement une tradition mise à mal par l’irruption historique du violon italien jusqu’en Saxe ; ensuite par le génie de l’interprète qui entend, par son archet allègre, par la vivacité de sa touche, ce que sont au premier chef ces six opus : des suites de danses.
Excitant toujours, mais aussi réflexif dans les Préludes et les Allemandes où le caressant archet de Walter Barbiero d’après Piombino Dese rappelle le son solaire d’un grand traverso.
Prise de son parfaite et édition soignée pour les deux albums, des lauriers pour Arcana !
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
6 Concertos transcrits pour violoncelle piccolo
Concerto pour clavecin et orchestre No. 3 en ré majeur, BWV 1054
Concerto pour clavecin seul en ré majeur, BWV 972
Concerto pour clavecin/violon et orchestre en sol mineur, BWV 1056R
Concerto pour clavecin seul en ré mineur, BWV 974
Concerto pour clavecin/hautbois d’amour en la majeur, BWV 1055R
Concerto Italien en fa majeur, BWV 971
Mario Brunello, violoncelle
Accademia dell’Annunciata
Riccardo Doni, direction
Un album du label Arcana A535
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Johann Sebastian Bach (1685-1750)
6 Suites pour violoncelle seul, arrangées pour le violon par Marco Serino
Suite No. 1 en sol majeur, BWV 1007
Suite No. 2 en ré mineur, BWV 1008
Suite No. 3 en ut majeur, BWV 1009
Suite No. 4 en mi bémol majeur, BWV 1010
Suite No. 5 en ut mineur, BWV 1011
Suite No. 6 en ré majeur, BWV 1012
Giuliano Carmignola, violon
Un album de 2 CD du label Arcana A533
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Photo à la une : le violoncelliste Mario Brunello – Photo : © DR