Le plus tendrement mélancolique des lieder de Schubert donne son titre à ce qui fut le premier album pour Pentatone d’Anna Lucia Richter. Elle l’enchâsse au centre de son disque, avant le plus sombre Totengräbers Heimweh. Programme de vraie liedersängerin, qui respecte les triptyques des Mignon, des Ellens Gesang, délaisse les opus les plus courus et ose le rare Viola, cette ballade de pure fantaisie, entre charme et rouerie, sur le grand poème floral de Schober, une rareté dont son timbre mutin se délecte.

En mai 2018, la voix est encore ténue, comme elle l’était déjà dans un irréel Ihr habt nun Traurigkeit du Requiem allemand enregistré à Leipzig en 2013 sous la direction de Marin Alsop (Naxos), et la couleur même des mots enfantine.

Cette fraîcheur est absolument schubertienne, peu de sopranos l’ont eu au disque, Elly Ameling surtout et comme elle Anna Lucia Richter délivre une version touchante du Pâtre sur le rocher, vocalises adamantines, récit central translucide dans le murmure de la clarinette de Matthias Schorn, vocalises déliées, avec un peu de Weber (on croirait Ännchen) dans tous ses élans, petite merveille où s’annonçait la cantatrice de grand caractère dont je célébrais voici peu l’album Brahms (voir ici) et qui avait déjà trouvé son parfait alter ego en Gerold Huber.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1828)

An den Mond, D. 259
Der Zwerg, D. 771
An mein Herz, D. 860
4 Gesänge aus « Wilhelm Meister », D. 877 (3 extraits :
3 Lieder der Mignon)
Heimweh, D. 456
Totengräbers Heimweh,
D. 842
Viola, D. 786
Erster Verlust, D. 226
Ellens Gesang I, D. 837
Ellens Gesang II, D. 838
Ellens Gesang III, D. 839 « Ave Maria »
Abschied, D. 829
Der Hirt auf dem Felsen, D. 965*

Anna Lucia Richter, soprano
Gerold Huber, piano
*Matthias Schorn, clarinette

Un album du label Pentatone PTC5186722
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Photo à la une : la mezzo-soprano Anna Lucia Richter – Photo : © Julia Wesely