Berlioz n’aura pas écrit son orchestre le plus révolutionnaire dans sa Symphonie fantastique : c’est Shakespeare, malgré le texte médiocre d’Emile Deschamps, qui le lui inspirera au long de la très libre adaptation de Roméo et Juliette, une symphonie dramatique comme aussi La Damnation de Faust.
John Nelson entend bien ce diamant noir du catalogue berliozien comme le manifeste d’une certaine modernité, même si les Strasbourgeois manquent parfois de la tranchante virtuosité qu’une écriture si novatrice exige, question de simple virtuosité, qui ne s’est pas rencontrée si souvent entre ces deux balises majeures de la discographie que sont Munch à Boston et Levine à Berlin.
Mais l’esprit shakespearien y est derrière les notes du Français, fantasque cortège de Mab (Cyrille Dubois est formidable dans le Scherzetto, mordant, ailé, Le Songe est irréel comme du Mendelssohn), Tombeau sinistre où justement Berlioz déchaine son génie de l’orchestre après le Convoi funèbre de Juliette si bien chanté ici.
Le plus beau de cette nouvelle version ? La grande Scène d’amour, dont la tension est si difficile à trouver, et surtout à tenir. Le plus beau de l’album ? Cléopâtre où Joyce DiDonato rugit sa douleur et ses imprécations. Est-ce un hasard si dans son chant passe le souvenir des raucités somptueuses que mettait Jessye Norman à l’Égyptienne ?
LE DISQUE DU JOUR
Hector Berlioz (1803-1869)
Roméo et Juliette, Op. 17,
H 79
Cléopâtre, H 36
Joyce DiDonato,
mezzo-soprano
Cyrille Dubois, ténor
Christopher Maltman, baryton
Coro Gulbenkian
Chœur de l’Opéra national du Rhin
Orchestre Philharmonique de Strasbourg
John Nelson, direction
Un album de 2 CD du label Erato 5054197481383
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Photo à la une : le chef d’orchestre John Nelson –
Photo : © Marco Borggreve