Le grand baryton au grain serré, au vibrato de pure émotion de Christian Immler m’avait saisi jadis dans un album BIS où il révélait un grand bouquet de poèmes de Heinrich Heine mis en musique par Robert Franz.
Cette voix longue, aux harmoniques profuses, si prompte à capturer l’émotion des mots était vraiment celle d’un liedersänger singulier, avec dans la conduction des lignes, les aigus de grâce, comme le souvenir du chant généreux d’un Bernard Kruysen. Sous ma plume, cela n’est pas un mince compliment.
Quel bonheur de le retrouver chez Schumann, dont les ombres et les élans semblent consubstantiels à son timbre même, et dans des raretés aussi peu courues que les Wilhelm Meister, où dire est aussi important que chanter, bref ensemble qui est l’un des sommets de la mélodie romantique d’Outre-Rhin.
Les Lenau sont à peine mieux repérés, et là encore l’art de dire, les mots à fleur de lèvre, le souffle qui colore d’émotion et de sentiments font merveille (écoutez l’assombrissement progressif de Meine Rose dans le piano velours et soie d’Andreas Frese), jusqu’au vaste chant du Requiem.
Et le cycle de Jörg Widmann en coda ? Etrange, mais guère surprenant, de constater comme sa lyrique se coud sans un faux pli à celle de Schumann dès le doux amer de Der arme Kaspar sur ce piano onirique qui mettra au cycle, et à ses citations schumanienne évidentes (Liebeslied), cette étrangeté entre rêve et réalité. Magnifique ajout à ce terrain hélas de plus en plus réduit du lied contemporain.
Un souhait, et qui pourra paraître étrange ; de timbre, de nature, de longueur, le baryton de Christian Immler irait comme un gant aux Eichendorff-Lieder d’Hans Pfitzner ; si jamais il me lit…
LE DISQUE DU JOUR
Robert Schumann
(1810-1856)
Lieder und Gesänge aus „Wilhelm Meister“, Op. 98a
6 Lieder und Requiem von Nikolaus Lenau, Op. 90
Jörg Widmann (né en 1973)
Das heiße Herz
Christian Immler,
baryton-basse
Andreas Frese, piano
Un album du label Alpha Classics 856
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Photo à la une : la basse Christian Immler – Photo : © DR