Introspection

Tant auront transformé la Cinquième Symphonie en un barnum ! Aziz Shokhakimov prend le contrepied, annule toute enflure, raffinant l’orchestre dépressif que Tchaikovski y aura inventé et qui anticipe dans la conduite si sentie du jeune chef sur les horizons sinistres de la « Pathétique ».

C’est ici qu’un point de non-retour s’opère, le romanesque y tient encore une certaine part, l’œuvre est tout entière de demi-caractère, et des plus délicate à rendre dans ses ambiguïtés. Ecoutez seulement l’Andante, le creusement des phrasés, l’imagination des accents et comment se ménage la transition avec l’Allegro con anima jusqu’à l’acmé, tenue, contenue, puis les pizzicatos si désespérés avant les contrechants des bois.

Décidément, quel bras, et surtout quelle tête, qui enlève tout sucre à la Valse, et tend le Finale vers un orage, évitant toute grandiloquence.

Roméo et Juliette sera de la même eau sombre, et du même contrôle, dans une transparence des textures, une fluidité des lignes de chant, un abrupt des fulgurances, et surtout une absence de sollicitation salutaire. Incroyable !, il a déjà modifié la nature sonore des Strasbourgeois (déjà magnifiés par le magister de Marko Letonja), ce qui laisse augurer d’une moisson discographique qui promet d’être prodigieuse.

LE DISQUE DU JOUR

Piotr Ilitch Tchaikovski (1840-1893)
Symphonie No. 5 en mi mineur, Op. 64, TH 29
Roméo et Juliette, TH 42

Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Aziz Shokhakimov, direction

Un album du label Warner Classics 5054197538513
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Photo à la une : le chef d’orchestre Aziz Shokhakimov – Photo : © Abdesslam Mirdass