Deux mondes. Au fils les audaces et les visions de l’Aufklärung, au père dans l’épure intemporelle déjà un modernisme absolu. Ce jeu de miroir qui renverse les valeurs, Einav Yarden l’ose sur un sublime piano à cordes parallèles signé Chris Maene, qui éclaire tout, les polyphonies du père, les étrangetés du fils, faisant entendre les inventions qui ardent la Fantaisie chromatique et Fugue ou les danses stylisées de la Deuxième Suite anglaise (écoutez comme elle file les Bourrées et la Gigue), ou saisissant les épices harmoniques et les phrasés expressifs qui sont la raison d’être des Rondos et des Fantaisies du fils.
Et les Sonates ? Carl Philipp Emmanuel Bach crée ici un point de rupture encore plus saillant avec l’œuvre de son père, anticipant dans la Sonate prussienne sur les humeurs et les caprices de Haydn. Rompu au style du second (elle a enregistré un plein disque Haydn, voir ici), Einav Yarden fait assaut de fantaisie, et comme cela sonne dans un si beau meuble !
Pourtant la pièce maîtresse de l’album reste chez Bach. La Fantaisie chromatique et Fugue déploie sa vaste arabesque, décor fabuleux que la pianiste envole avant de mener grand train une fugue belle comme un Kupka, d’une perfection abstraire où les lumières des polyphonies dansent.
LE DISQUE DU JOUR
Father and Son
Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Rondo en ut mineur, Wq. 59/4
Rondo en sol majeur, Wq. 57/3
Fantaisie en mi bémol majeur, Wq. 58/6
Sonate Prussienne No. 2 en si bémol majeur, Wq. 48/2
Fantaisie en ut majeur, Wq. 61/6
Sonate en ré majeur, Wq. 61/2
Arioso avec 7 variations en fa majeur, Wq. 118/4
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Fantaisie chromatique et Fugue en ré mineur, BWV 903
Suite anglaise No. 2 en la mineur, BWV 807
Einav Yarden, piano
Un album du label Challenge Classics CC72952
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Photo à la une : la pianiste Einav Yarden – Photo : © DR