Deutsche Grammophon, publiant voici quelques lustres deux coffrets illustrant la collaboration de Sergiu Celibidache et du Radio-Sinfonieorchester Stuttgart, avait laissé de côté cette fulgurante Pathétique. Je me demande bien pourquoi. Amère, sinistre dès le vaste mouvement initial où le chef roumain suspend le temps – vingt-deux minutes – elle prend l’auditeur à la gorge pour ne plus le lâcher. Cet art des phrasés, cette maîtrise des couleurs comme un orgue émotionnel, ce dosage des dynamiques, et soudain ce coup de poignard après l’ultime note diminuendo du basson, voilà tout le génie d’un art alors à son sommet et qui tranchait avec celui de ses confrères.
Son secret ? La narration. Tout doit ici parler, la Pathétique devient un roman, mais un roman sinistre, l’envers d’une symphonie fantastique dont la marche de l’Allegro molto vivace serait le sabbat, avant la terreur glaçante du Finale, ce morendo insoutenable.
Œuvre au noir, assurément, portée par un orchestre éruptif, suspendu à cette baguette qui n’anticipait jamais, exigeant que chaque pupitre fasse corps dans l’instant, sous ce regard impitoyable. Fabuleux.
Avant cela la 102e de Haydn, si élégante, si parfaite, est quasi superflue.
LE DISQUE DU JOUR
Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie No. 102 en si
bémol majeur, Hob. I:102
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Symphonie No. 6 en si mineur, Op. 74 « Pathétique »
Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR
Sergiu Celibidache, direction
Un album du label SWR Classic SWR19118CD
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Photo à la une : le chef d’orchestre Sergiu Celibidache – Photo : © DR