La photo de couverture fera encore jaser, Yuja Wang arborant cette robe fendue jusqu’à l’impudique qui en agace tant. Et alors ? D’ailleurs l’impudeur n’est pas là où l’on croit.

Donné en février 2023 au Walt Disney Concert Hall, cette intégrale du piano concertant de Rachmaninov s’affichait comme l’occasion idéale pour célébrer les cent cinquante ans de la naissance de l’auteur des Cloches.

Formidable évidemment, la virtuosité athlétique et fusante de la belle Yuja ne faisant qu’une bouchée des cinq opus. Son jeu enivrant, ne craignant aucune fulgurance de tempo, ne laissant du texte pas une double croche dans l’ombre, suffirait à rendre l’écoute excitante ; elle l’est, d’autant que Gustavo Dudamel et ses « angéliens » ardent eux aussi, allégeant l’orchestre en fulgurances.

Irrésistible Finale du Premier Concerto, certes, mais ce sera, à ce niveau d’excellence, à peu près tout. Il manque au Quatrième Concerto le souffre, au Troisième la démesure océanique, au Deuxième ses ténèbres. Tout brille, tout fuse, pas un visage par œuvre, mais comme une grande continuité uniment lumineuse ! Une surexposition partagée par la nature même de la sonorité de la pianiste et la clarté de la direction de Dudamel en est la cause.

Cet univoque produit une égalité entre l’excitation d’une lecture absolument gymnique et une sorte de lassitude, car Yuja Wang en ôte les sentiments, à un point tel que ce qui devrait passer pour de la pudeur devient de l’impudeur : le texte nu, superbe, est vide, et ce vide chez Rachmaninov, je ne l’avais jamais trouvé. Pourtant, écoutez seulement, n’est restez pas à mon avis, faites-vous le vôtre.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en ut mineur,
Op. 18
Concerto pour piano et
orchestre No. 1 en fa dièse
mineur, Op. 1 (version 1917)
Concerto pour piano et
orchestre No. 4 en sol mineur, Op. 40 (version 1941)
Rhapsodie sur un thème de Paganini, Op. 43
Concerto pour piano et orchestre No. 3 en ré mineur, Op. 30

Yuja Wang, piano
Los Angeles Philharmonic Orchestra
Gustavo Dudamel, direction

Un album du label Deutsche Grammophon 4864759
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Photo à la une : la pianiste Yuja Wang et le chef d’orchestre Gustavo Dudamel – Photo : © Ryan Buchanan