Pour la Reine de France

L’instrument royal ? À la cour de France, les filles de Louis XV en jouaient toutes, Marie-Antoinette adolescente, débarquant de Vienne, avait emmené dans ses bagages celle qu’elle touchait depuis son enfance. La harpe connaîtrait à Versailles la première apogée de son art – la seconde sera au XXe siècle. Devenue Reine de France, Marie-Antoinette commandera à son maître de musique Johann David Hermann des concertos pour l’instrument royal.

Style pré-romantique, élégance de l’écriture, Xavier de Maistre a eu la main heureuse en choisissant le Concerto en fa majeur, écrit non pas pour Marie-Antoinette, mais pour Madame Élisabeth, la sœur de Louis XVI. Deux mouvements, un Allegro aux teintes mozartiennes, un Rondo au délicieux thème de boîte à musique, l’œuvre est plus que jolie et donne envie de mieux connaître ce compositeur d’abord pianiste dont le catalogue est mince, au contraire de celui d’un harpiste virtuose qui posa pour son instrument les canons du concerto classique.

Le destin tragique de Jan Křtitel Krumpholtz qui par désespoir se jeta dans la Seine le 19 février 1790 alors que la Révolution s’apprêtait à dévorer ses enfants, ne doit pas faire oublier l’importance de son œuvre où il fait assaut de virtuosité, repoussant les limites de l’instrument. Le Concerto en si bémol majeur, avec la musette si poétique de son Finale, contient en son cœur un émouvant Andante con variazioni dont Xavier de Maistre distille la tendre nostalgie, merveille !

William Christie ajoute la Symphonie parisienne favorite de la Reine, la No. 85 – j’ai signalé qu’il enregistre par ailleurs tout le cahier écrit pour Le Concert de la Loge Olympique dont le premier volume vient de paraître – Xavier de Maistre clôt l’album avec son émouvante transcription de la Danse des Esprits bienheureux tiré du ballet d’Orphée et Eurydice, ensemble continueront-ils le voyage de la harpe dans le temps : sa fortune éclipsée durant la Révolution refleurira sous le Consulat et l’Empire.

Et puis, quelle émotion de savoir qu’on tient là l’un des ultimes enregistrements de Florence Malgoire .

LE DISQUE DU JOUR

La Harpe Reine
Musique à la cour de Marie-Antoinette

Jean-Baptiste Krumpholtz (1747-1790)
Concerto pour harpe et orchestre No. 5 en si bémol majeur, Op. 7
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie No. 85 en si bémol majeur, Hob. I:85 « La Reine »
Johann David Hermann (1760?-1846)
Concerto pour harpe et orchestre No. 1 en fa majeur, Op. 9
Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
Orphée et Eurydice, Wq. 41 – Danse des Ombres heureuses (arr. pour harpe : Xavier de Maistre)

Xavier de Maistre, harpe
Les Arts Florissants
William Christie, direction

Un album du label harmonia mundi HMF8932276
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Photo à la une : le harpiste Xavier de Maistre – Photo : © Gregor Hohenberg