Quel ton mortifère pour ouvrir le Cinquième Chôro ! et qui rendra la danse indienne incongrue, vite refermée par le retour de ce fondu au noir. Bien plus que la classique saudade, et d’ailleurs ce disque ne présente pas le visage le plus ouvert du piano de Villa-Lobos, Wilhem Latchoumia jouant très moderne la transcription que le compositeur réalisa du Deuxième Chôro, en savourant les aspérités plutôt que les lignes.
Ondulando sera une pause, ondoiements, harmonies chaudes, mais teintée de nostalgie comme le seront aussi les pièces extraites des Cirandas, même lorsque Wilhem Latchoumia les fouette, soulignant les musiques indigènes qui en forment la syntaxe, harmonique comme mélodique, les jouant en marteaux, assez Bartók au fond.
Cette manière appliquée uniment à tout l’album s’accorde à sa saisissante coda : une lecture minérale de Rudopoêma, entendu comme un manifeste du piano moderne, osant par instants les quatre portées, œuvre fulgurante qui va bien au-delà du portrait psychologique d’Artur Rubinstein pour lequel elle fut écrite.
Sa dimension orchestrale est un défi, Wilhem Latchoumia l’assume crânement, mais sans retrouver le pouvoir évocateur qu’y mettaient Roberto Szidon ou Nelson Freire. Trop carré ? Oui, mais si fidèle au texte que j’ai le sentiment de voir en l’entendant cette partition graphique.
Les œuvres de l’Indien blanc constituaient déjà l’essentiel de son premier album « Impressaoe » paru chez RCA. Piano plus opulent hier, osant les charmes, plus âpre et drastique aujourd’hui, explorant une face plus sombre.
LE DISQUE DU JOUR
Heitor Villa-Lobos (1887-1959)
Chôro No. 5, W 207
« Alma brasileira »
Chôro No. 2 (version pour piano seul), W 198
Ondulando, estudio, Op. 31, W 082
Cirandas, W 220
(10 extraits : No. 3. Senhora dona Sancha ; No. 6. Passa passa gavião ; No. 15. Que lindos olhos ; No. 10. O pintor de Cannahy ; No. 9. Fui no Tororó ;
No. 4. O cravo brigou com a rosa ; No. 2. A condessa ; No. 8. Vamos atrás da serra ;
No. 5. Pobre cega ; No. 16. Có-Có-Có)
La caixinha de música quebrada, W 256
Suite infantil No. 1, W 053 (extrait : No. 2. Nenê vai dormir)
New York Skyline Melody, W 407
Rudepoêma, W 184
Wilhem Latchoumia, piano
Un album du label La Dolce Volta LDV119
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Photo à la une : le pianiste Wilhelm Latchoumia –
Photo : © William Beaucardet