Les Nuits d’été furent, je crois bien, l’objet du premier disque (ou sinon l’un des premiers) de Marie-Nicole Lemieux, version avec piano (et l’excellent Daniel Blumenthal) pour le label Cyprès, où, en voix glorieuse, elle savourait avec une pointe de malaise symboliste Le Spectre de la rose, manière d’ajouter un peu du souffre de Baudelaire aux camées de Gautier.
Il lui aura fallu attendre longtemps pour que l’orchestre lui ajoute les paysages que Berlioz, génialement, composa. Trop longtemps ? Villanelle expose cette voix devenue trop grande pour l’esprit et la vivacité, mais Le Spectre de la rose, Sur les lagunes, Absence surtout, sont par instants, de mots sinon de voix, vertigineux et l’entour irréel que lui offre l’orchestre du Rocher et Yamada plus qu’inspirant : parfait.
Le vibrato qui augmente la chair d’un timbre pourtant moins pulpeux qu’avant prive de zéphyr les délices de L’île inconnue, surtout pour Shéhérazade il empêche l’allusif qui se tient sur la corde des voyelles, et transforme la grande vague d’Asie en tsunami. Mais si Lemieux renonce à faire sonner, alors comme les mots la sauvent, écoutez seulement L’Indifférent.
Gain majeur de l’album, les Mélodies persanes avec le Prélude et l’Interlude que le Palazzetto Bru Zane a rétabli dans son édition (alors que Saint-Saëns les avait finalement ôtés), où celle qui pourrait être Dalila se régale de tant de sensualité et de mystère.
Ne manquaient plus que les Poèmes arabes de Louis Aubert, demain peut-être ?
LE DISQUE DU JOUR
Hector Berlioz (1803-1869)
Les Nuits d’été, Op. 7, H 81b
Camille Saint-Saëns
(1835-1921)
(6) Mélodies persanes, Op. 26 (version orchestrale)
Maurice Ravel (1875-1937)
Shéhérazade, M. 41
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Kazuki Yamada, direction
Un album du label Erato 5054197659409
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Photo à la une : la contralto Marie-Nicole Lemieux –
Photo : © Martin Tremblay/Parlophone Records