Grand Chopin

Chopin envoya de Vienne, à sa sœur, en 1830, sur de simples feuilles, non pas ce que certains croient un nocturne posthume, mais une ballade lyrique, dont Laurence Oldak savoure le thème en le jouant à la limite du silence, et sans aucune affectation. Le sens est dans la phrase, où se rappellent des éléments que Chopin va ouvrager dans son Deuxième Concerto ; il faut entendre avec quel art elle fait danser le petit motif entre valse et mazurka avant la reprise du thème.

Un exemple parmi tant d’autres des affinités électives que tisse ce disque admirable entre la pianiste française et l’univers Chopin. La Barcarolle, prise sans traîner, est dorée d’un soleil lagunaire où des lumières rasantes alla Tiepolo en accroissent la poésie ; écoutez la légère suspension au centre de l’œuvre, pour mieux ourler le trille dans la résonnance, avant le chant d’oiseau.

Cette maîtrise du temps musical, ce jeu libre avec la mesure, c’est le secret de tout grand interprète de Chopin. Admirable de chic et de profondeur à la fois, les trois Valses, le bouquet de Mazurkas jouées avant que d’être dansées et dans des éclairages nostalgiques, ne doivent pas faire oublier la poésie captivante de cette Polonaise-fantaisie, la tempête du Scherzo en si bémol mineur, dont chaque voix se fait entendre, saisie par les micros omniscients de Jiri Heger.

Le secret de tout interprète de Chopin ? Bach. Laurence Oldak l’aura indiqué dans l’album précédent qui m’avait échappé. Tout y était déjà, l’éloquence et l’art de suggérer, le sens de la forme et l’espressivo, la variété du toucher et la subtilité des phrasés, les rythmes clairs au long d’une admirable Deuxième Partita, puis la poésie pour deux Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré les moins abstraits, avec ensuite le grand son de Lisztosant dans son piano faire entrer l’orgue du Prélude et Fugue, BWV 543.

Puis Chopin déjà, avec les architectures de la Sonate No. 3 en si mineur, avant que Laurence Oldak ne referme le disque pianissimo comme elle le fera avec l’album Chopin : sous ses doigts cet Andante de Carl Philipp Emmanuel Bach est un précis de nostalgie.

LE DISQUE DU JOUR

Frédéric Chopin (1810-1849)
Barcarolle en fa dièse majeur, Op. 60
Valse en ut dièse mineur,
Op. 64 No. 2

Valse en la mineur,
Op. 34 No. 2

Grande Valse brillante en mi bémol majeur, Op. 18
Fantaisie-impromptu en ut dièse mineur, Op. 66
Polonaise-fantaisie en la bémol majeur, Op. 61
Nocturne en mi majeur, Op. 62 No. 2
Mazurka en la mineur, Op. 17 No. 4
Mazurka en ut dièse mineur, Op. 30 No. 4
Mazurka en fa mineur, Op. 63 No. 2
Mazurka en ut dièse mineur, Op. 63 No. 3
Mazurka en la mineur, Op. 67 No. 4
Scherzo en si bémol mineur, Op. 31 No. 2
Nocturne en ut dièse mineur, B. 49

Laurence Oldak, piano
Un album du label Klarthe KLA160
Acheter l’album sur le site du label Klarthe Records, sur le site www.ledisquaire.com, ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-d finition sur Qobuz.com

Influences

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Partita No. 2 en ut mineur, BWV 826
Prélude et Fugue en fa dièse majeur, BWV 858
(No. 13 du « Clavier bien tempéré, Livre I, BWV 846-869)

Prélude et Fugue en fa mineur, BWV 881 (No. 12 du « Clavier bien tempéré, Livre II, BWV 870-893)
Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ, BWV 639 (No. 41 de l’« Orgel-Büchlein,
BWV 599-644 » ; arr. pour piano seul : Busoni, BV B 27/5)

Prélude et Fugue en la mineur, BWV 543 (arr. pour piano seul : Liszt, S. 462/1)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 3 en si mineur, Op. 58
Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Sonate pour clavier en la majeur, Wq. 65/32 (extrait : II. Andante con tenerezza)

Laurence Oldak, piano
Un album du label Klarthe KLA089
Acheter l’album sur le site du label Klarthe Records, sur le site www.ledisquaire.com, ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-d finition sur Qobuz.com

Photo à la une : la pianiste Laurence Oldak – Photo : © Manuel Braun