Revisitations

Schubert écrivit ses Lieder pour l’échange intime de la voix médiane et du piano, il n’y aura jamais pensé l’orchestre, qui pourrait faire ici pire qu’une antithèse, une trahison. Pourtant Felix Mottl, Johannes Brahms, Max Reger (le plus productif, qui s’en étonnerait), Anton Webern, Benjamin Britten (délicieuse parure pour Die Forelle), et même Jacques Offenbach, donnant à Ständchen du Schwanengesang une teinte si nocturne avec sa clarinette-spectre, auront transgressé l’interdit.

Bravo en tous cas à Max Reger qui ose saisir les grands Lieder dramatiques pour les détourner vers des scènes lyriques : admirable l’impérieuse noirceur déployée pour Prometheus, et quel tempête pour la nuit d’Erlkönig, auxquelles le chant distancié de Benjamin Appl apporte un surcroît de poésie inquiète, jusque dans le dialogue du second. Sa lyrique naturelle l’oppose au style déclamatoire de Dietrich Fischer-Dieskau. Il fait d’abord entendre le chant de Schubert avant les mots de ses poètes.

Sommet de l’album, tout de même les habillages fantomatiques de Webern, qui feraient d’ailleurs plutôt classer Ihr Bild, la Romanze de Rosamunde, Du bist die Ruhe, Tränenregen, Der Wegweiser dans le catalogue de l’auteur d’Im Sommerwind que dans celui du Schwanengesang.

Les respirations des diverses Deutsche Tänze font entendre la discrète poésie dont Oscar Jockel et les Munichois parent ce disque précieux.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1828)

Abendstern, D. 806 (version avec orchestre : Alexander Schmalcz)
Rosamunde, D. 797 –
IIIb. Romanze, « Der Vollmond strahlt auf Bergeshöh’n (version avec voix : by Anton Webern)
Geheimes, D. 719 (version avec orchestre : Johannes Brahms)
Du bist die Ruh, D. 776 (version avec orchestre : Anton Webern)
Die schöne Müllerin, D. 795 (extrait : No. 10. Tränenregen ; version avec orchestre : Anton Webern)
Ganymed, D. 544 (version avec orchestre : Kurt Gillmann)
Der Tod und das Mädchen, D. 531 (version avec orchestre : Felix Mottl)
Gruppe aus dem Tartarus, D. 583 (version avec orchestre : Max Reger)
Schwanengesang, D. 957 (2 extraits : No. 9. Ihr Bild ; version avec orchestre : Anton Webern – No. 4. Ständchen ; version avec orchestre : Jacques Offenbach)
Die Forelle, D. 550 (version avec orchestre : Benjamin Britten)
Im Abendrot, D. 799 (version avec orchestre : Max Reger)
An die musik, D. 547 (version avec orchestre : Max Reger)
An Sylvia, D. 891 (version avec orchestre : Alexander Schmalcz)
Winterreise, D. 911 (extrait : No. 20. Der Wegweiser ; version avec orchestre : Anton Webern)
Nacht und Träume, D. 827 (version avec orchestre : Max Reger)
Prometheus, D. 674 (version avec orchestre : Max Reger)
Am Tage Aller Seelen, D. 343 (version avec orchestre : Max Reger)
Erlkönig, D. 328 (version avec orchestre : Max Reger)
18 Danses allemandes & Ecossaises, D. 783 (10 extraits : Nos. 1-10 ; orchestration : Johann Ritter von Herbeck)

Benjamin Appl, baryton
Münchner Rundfunkorchester
Oscar Jockel, direction

Un album du label BR-Klassik 900346
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Photo à la une : le baryton Benjamin Appl –
Photo : © Lars Borges/Sony Classical