Requiem pour aujourd’hui

En janvier 1963, Benjamin Britten enregistrait au Kingsway Hall, chœurs au balcon, sous le regard bienveillant mais implacable de John Culshaw, ce War Requiem qui signait l’entrée du compositeur de Peter Grimes dans l’ultime période de son univers créatif. Œuvre au noir, laïque et spirituelle, profane et sacrée, alternant poèmes et liturgie, qui paraît, soixante ans après sa création, écrite pour notre temps troublé.

Decca considéra toujours cet enregistrement comme l’une des plus pures (et sombres) gemmes de son catalogue. Une première édition en CD (1985) sera suivie de deux autres, un remastering 24 Bit/96 kHz hélas marié au procédé Cedar, puis en 2013, pour le centenaire Britten, une nouvelle proposition, cette fois débarrassée du Cedar et magnifiée par le support du Blu-Ray. On croyait la messe dite, d’autant que depuis le premier remastering s’étaient ajoutées les sessions de répétitions pieusement conservées par John Culshaw.

Mais non, nouvelle édition somptueuse, deux SACD enclos dans un grand coffret format microsillon avec une passionnante plaquette gorgée d’essais, de photographies des sessions, de témoignages, et reprenant le livret de l’édition originale qui accompagnait les long playing, tous les textes avec en marge les annotations et le fil conducteur rédigés par le directeur artistique.

Surtout, l’équipe de Decca a remis le son sur le métier au British Groove Studio, échantillonnage à 192 kHz et report sur SACD. Le gain est considérable (écoutez seulement le Sanctus, un des moments les plus saisissants de tout l’œuvre de Britten), la spatialisation dans le Kingsway Hall voulue par John Culshaw résonne enfin dans toute sa plénitude, l’intimité des sections avec le Melos Ensemble retrouve sa poésie, la vérité des timbres des solistes, Galina Vichnevskaya rugissante, Peter Pears, tour à tour fantomatique, élégiaque ou ardent, Dietrich Fischer-Dieskau transcendant son art diseur, tout cela est soudain si présent que j’ai le sentiment de redécouvrir cette gravure justement célébrée.

L’édition est strictement limitée, onéreuse certes, mais c’est l’aboutissement d’un long « work in progress » justement magnifié dans un ouvrage d’art.

LE DISQUE DU JOUR

Benjamin Britten (1913-1976)
War Requiem

Galina Vishnevskaya,
soprano
Peter Pears, ténor
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton

The Bach Choir
London Symphony
Orchestra Chorus

(Sir David Willcocks, chef de ces deux chœurs)

Highgate School Choir
(Edward Chapman, directeur musical)

Simon Preston, orgue
Osian Ellis, harpe
Barry Tuckwell, cor

Melos Ensemble
London Symphony Orchestra

Benjamin Britten, direction

Un album de 2 SACD, aux dimensions d’un microsillon, du label Decca 4853765
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Photo à la une : le compositeur Benjamin Britten – Photo : © DR