Commencez par le Quatuor, ce dolce fiévreux si loin des tourments expressionnistes que tant y auront mis, occasion pour le violoncelle de Jean-Guihen Queyras de chanter ce lied qui contrebalance le motif initial, et de le faire moins sombre qu’à l’accoutumé. Las !, les ombres gagneront dans les couleurs profondes des instruments anciens qui restituent les exactes dynamiques de la partition, soudain si fluide, et la projection moins symphonique. On est chez les Schumann, dans le salon de musique, c’est troublant plus encore lorsque les fantômes de la marche paraîtront. Pari gagné pour le Quatuor.
La rumination si beethovénienne qui ouvre le Quintette ne fait pas croire possible le petit thème mendelssohnien qui suit, si joliment animé par les instruments anciens, l’œuvre est absolument en demi-caractère et son relatif classicisme semble à revers de tout ce que Schumann aura écrit pour la chambre, les cinq amis s’y régalent, jouant sur les pointes : écoutez le Scherzo, comme cela « tricote » ! Et cet Andante amoroso, qui semble le portrait de Clara. Je crois bien n’avoir jamais entendu ces deux opus relus avec tant de finesse.
Prolongez l’expérience, laissez-vous guider vers le Deuxième Trio qui est l’objet du concert chez les Schumann imaginé par Théotime Langlois de Swarte et ses amis. L’Andante pour violon et piano n’est-elle pas la plus belle œuvre de Clara, mais soudain lorsque Samuel Hasselhorn arde Widmung, on sait que le génie est chez Robert ! Fantasque, le Deuxième Trio gagne en couleurs et en élan sur les instruments anciens, et en éloquence au long du second mouvement.
Une page de Bach, un peu de Gade, une Sonate de Scarlatti, quelques poèmes de clavier tiré des Kinderszenen, d’autres Lieder (dont un saisissant Schwesterlein de Brahms), entourent un autre opus majeur, l’admirable Andante et Allegro assai vivace de Mendelssohn, au thème si schumanien, que Fiona Mato et Jorge Gonzalez Buajasan poétisent sur ce Bösendorfer boisé dont les timbres viennent d’un autre monde.
LE DISQUE DU JOUR
Robert Schumann
(1810-1856)
Quatuor pour violon, alto, violoncelle et piano en mi bémol majeur, Op. 47
Quintette pour piano et cordes en mi bémol majeur, Op. 44
Isabelle Faust, violon
Anne Katharina Schreiber, violon
Antonie Tamestit, alto
Jean-Guihen Queyras, violoncelle
Alexander Melnikov, piano
Un album du label harmonia mundi HMM902695
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An Invitation at the Schumanns’
Clara Schumann (1819-1896)
3 Romances, Op. 22 (extrait :
No. 1. Andante molto)
Soirées musicales, Op. 6
(extrait : No. 2. Notturno)
Robert Schumann
(1810-1856)
Myrthen, Op. 25
(extrait : No. 1. Widmung)
Trio pour violon, violoncelle et piano No. 2 en fa majeur, Op. 80
Kinderszenen, Op. 15 (extrait : No. 1. Von fremden Ländern und Menschen ;
No. 13. Der Dichter spricht ; arr. pour violon, violoncelle et piano)
5 Stücke im Volkston, Op. 102 (2 extraits : No. 1. Mit Humor ; No. 2. Langsam)
6 Gedichte von Nikolaus Lenau und Requiem, Op. 90
(extrait : No. 2. Meine Rose)
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Petit Prélude en mi mineur, BWV 938
Niels Gade (1817-1890)
Akvareller, Cahier 1, Op. 19 (extrait : No. 1. Elegie, arr. pour violon et piano)
Johannes Brahms (1833-1897)
49 Deutsche Volkslieder, WoO 33, Volume 3 (extrait : No. 15. Schwesterlein)
5 Lieder, Op. 49 (extrait : No. 4. Wiegenlied)
Felix Mendelsssohn-Bartholdy (1809-1847)
Andante & Allegro assai vivace, Op. 92
Theodor Kirchner (1823-1903)
Bunte Blätter, Op. 83, Cahier 1 (extrait : No. 6. Lied ohne Worte)
Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonate pour clavier en sol mineur, K. deest
Théotime Langlois de Swarte, violon (1, 4-8, 11, 15, 19)
Hanna Salzenstein, violoncelle (4-9, 13, 15, 19)
Fiona Mato, piano Bösendorfer (1-19)
Samuel Hasselhorn, baryton (2, 12, 16, 18)
Jorge Gonzalez Buajasan, piano (14)
Un album du label harmonia mundi HMM902509
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Photo à la une : la pianiste Fiona Mato – Photo : © collection personnelle