Saint-Saëns voulait que l’on oublie de son vivant la délicieuse fantaisie zoologique qu’il avait commise pour un cercle tout à fait privé. Ironie, elle sera l’étendard de son œuvre au XXe siècle, et avec la Symphonie « avec orgue » l’encombrant paravent masquant un catalogue flamboyant de la chambre à la scène.
François-Xavier Roth et ses Siècles font entendre différemment ce Carnaval des animaux qui dans les teintes des instruments d’époque abandonne tout brio pour mieux poétiser à loisir. Cela s’entend même dans les sonorités du surprenant vis-à-vis conçu par Pleyel conservé au Musée National de la Musique que jouent avec art Jean Sugitani et Michaël Ertzscheid, et surtout dans l’étrange harmonica de bois et de paille faisant office de xylophone prêté par Marie-Ange Petit. Quel Fossile il fait ! Complément d’importance : la musique pour le bref film d’André Calmettes et Charles Le Bargy, L’Assassinat du Duc de Guise, une série d’instantanés musicaux aussi brillants qu’inspirés ; Saint-Saëns tenait d’ailleurs sa partition en si haute estime qu’il choisira de la diriger devant la caméra de Sacha Guitry.
Là encore la palette sonore fine mais si colorée est un atout majeur. Elle redéfinit également les décors narratifs des poèmes symphoniques, les allégeant (sublime Rouet d’Omphale) ou leur donnant un sacré caractère (La Jeunesse d’Hercule), et donnant à la Danse macabre ce petit côté Offenbach dont se régale François-Marie Drieux. La Bacchanale de Samson et Dalila, jusque dans son charivari final, déboutonne le gilet de l’auteur, sa moustache frise et son œil oriental s’excite devant des danseuses qui n’en sont pas.
Si vous voulez poursuivre l’escapade orientale, écoutez aussi le joli disque sans façon que Zahia Ziouani et Divertimento consacrent aux inspirations algériennes de l’auteur de la fameuse Suite, Op. 60. Un peu d’Espagne aussi avec cette merveille calligraphiée qu’est la trop peu courue Jota aragonese, des raretés comme les Airs de ballet de Parysatis, le tout paysagé par quelques improvisations mauresques et un chant d’Idir.
LE DISQUE DU JOUR
Camille Saint-Saëns
(1835-1921)
Phaëton, Op. 39, R. 170
La Jeunesse d’Hercule, Op. 50, R. 172
Le Rouet d’Omphale, Op. 31, R. 169
Danse macabre, Op. 40,
R. 171
Samson et Dalila, Op. 47,
R. 288 – Bacchanale
Le Carnaval des animaux, R. 125
L’Assassinat du duc de Guise, Op. 128, R. 331
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction
Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 902614.15
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Bacchanale
Saint-Saëns et la Méditerranée
Camille Saint-Saëns
(1835-1921)
Parysatis, R. 312
(3 extraits : Introduction &
Airs de ballet Nos. 1-3)
Tarentelle, pour flûte et
clarinette, Op. 6, R. 183
Jota aragonese, Op. 64, R. 174
Samson et Dalila, Op. 47, R. 288 (2 extraits : Air « Mon cœur s’ouvre à ta voix », version pour violoncelle et orchestre : Fettouma Ziouani, Antonin Mège ; Bacchanale)
Suite algérienne en ut majeur, Op. 60, R. 173 (3 extraits : I. Prélude,
II. Rapsodie mauresque, III. Rêverie du soir)
Idir (1949-2020)
A vava Inouva (version pour voix, violoncelle et harpe : Smail Benhouhou,
Antonin Mège)
Rachid Brahim-Djelloul
Introduction à la Jota aragonese
Istikhbar Mezmoum. Introduction à « Mon cœur s’ouvre à ta voix »,
pour violon oriental et violoncelle
Anonyme(s)
Inqileb: Yabadi el Hosn (arr. : Smail Benhouhou, Rachid Brahim-Djelloul)
Leyla (arr. : Smail Benhouhou)
Francisco Salvador-Daniel (1831-1871)
Chanson mauresque de Tunis (arr. : Smail Benhouhou, Rachid Brahim-Djelloul)
Ensemble Amedyez
Rachid Brahim-Djelloul, violon oriental
Divertimento
Zaha Ziouani, direction
Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 905373
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Photo à la une : le chef d’orchestre François-Xavier Roth –
Photo : © Stéphane Mortagne