Le délicieux Concerto pour piano que Reynaldo Hahn écrivit pour Magda Tagliaferro en gage d’amitiés sud-américaines ne s’est pas imposé au répertoire. Trop de charmes, trop de douceurs espiègles, trop de rêves les yeux ouverts, pourtant quelle merveille de poésie sous les doigts légers et sonores de William Youn qui le place en entrée de son portrait sonore du Paris de la Belle époque. Jouée ainsi, porté par cet orchestre léger, l’œuvre vous a de ces charmes qui la rendent illico addictive.
Le pianiste ajoute les transcriptions de deux mélodies pour son instrument, À Chloris et L’Heure exquise, il fera de même avec un égal bonheur pour Après un rêve de Gabriel Fauré, l’autre héros de ce programme subtil qui souligne l’art poétique de ce pianiste dont j’ai tant gouté les Mozart et les Schubert. La Ballade sous ses doigts évite le mièvre, chante avec juste la nostalgie qu’il y faut mettre, et quelle élégance pour les tendres divagations de la Fantaisie de 1918, écrite pour Cortot qui la bouda, si rarement enregistrée, et que William Youn chante dans un perlé merveilleux avant d’envoler la coda.
La surprise viendra pour beaucoup de la Fantaisie variée écrite par Nadia Boulanger pour son cher Raoul Pugno. N’en serait-ce pas le premier enregistrement mondial ? Je le crois bien, Anthony Girard en ayant restitué la partition originale (sans les coupures effectuées pour la création parisienne en 1913) voici peu.
Poème sombre, où l’orchestre et le piano s’abrasent, d’une densité expressive étonnante, qui fait regretter que Nadia n’ait pas poursuivi dans la composition. J’aime à croire qu’elle la composa essentiellement durant ses séjours aux Maisonnettes à Gargenville, dont Raoul Pugno était le maire, leur relation intime transparaît dans les pages les plus apaisées de cette partition sauvée de l’oubli grâce au beau travail de William Youn et de Valentin Uryupin, jeune chef ukrainien à suivre.
LE DISQUE DU JOUR
Reynaldo Hahn (1874-1947)
Concerto pour piano et orchestre en mi majeur
À Chloris (version pour piano seul : W. Youn)
L’heure exquise (No. 5,
des « 7 Chansons grises » ;
version pour piano seul : W. Youn)
Gabriel Fauré (1845-1924)
Ballade en fa dièse majeur,
Op. 19 (version avec orchestre)
Fantaisie pour piano et orchestre, Op. 111
Après un rêve (No. 1, des « 3 Mélodies, Op. 7 » ; version pour piano seul : W. Youn)
Nadia Boulanger (1887-1979)
Fantaisie variée
William Youn, piano
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Valentin Uryupin, direction
Un album de 2 CD du label Sony Classical 196588633027
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Photo à la une : le pianiste William Youn – Photo : © Irène Zandel