Révélation

Son caractère ombrageux continuerait-il à lui nuire par-delà le tombeau ? Johann Sigismund Kusser est resté un inconnu de la révolution baroque au XXe siècle, le formidable enregistrement que Jörg Halubek, entouré d’une brillante équipe de chant, consacre à son Adonis, créé à Stuttgart lors du basculement dans le XVIIIe siècle, rend cette longue désaffection incompréhensible.

Kusser passa huit années à Versailles auprès de Lully, on le mentionne alors sous le nom francisé de Cousser, et déjà son caractère bien trempé le démarque des suiveurs qui entourent l’auteur d’Atys. De France, Kusser ramènera le goût des grands divertissements, des orchestres opulents et virtuoses (ce que Jörg Halubek réalise somptueusement). Il importe également sur les scènes allemandes où il régna quasiment à l’égal de Keiser, le premier belcanto italien, parant ses rôles de soprano d’une écriture supra-virtuose, où les étrangetés d’écriture, dans les airs comme dans les ornements, sont autant de piments.

Adonis est à la croisée des chemins : livret en langue allemande, couleur française des danses et des scènes de chasse, chant italianisant, le tout porté par un génie de l’action scénique qui transcende l’Acte III : la poursuite de Daphné par Apollon et sa transformation en laurier, la mort d’Adonis dans son ultime chasse face à un ours sont l’occasion d’effets spectaculaires.

Bravo à toute l’équipe de chant qui triomphe des pièges virtuoses semés au long des trois actes par la plume intrépide de Kusser. Mentions spéciales à l’Adonis de Yannick Debus (les premiers rôles consentis à des barytons ne sont pas légion dans les opéras de l’époque), à l’impertinent Cupidon d’Anita Rosati, à la Daphné rayonnante de Nina Bernsteiner ; les Déesses et les Dieux sont finement servis, ce sont eux qui auront le dernier mot, prévenant des dangers d’aimer des mortels en élevant des temples pour Daphné et Apollon.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sigismund Kusser (1660-1727)
Adonis

Yannick Debus, baryton (Adonis)
Ulrike Hofbauer, soprano (Vénus)
Anita Rosati, soprano
(Cupido)
Nina Bernsteiner, soprano (Daphné)
Nils Wanderer, contre-ténor (Apollon)
Seda Amir-Karayan, contralto (Pallas)
Morgan Pearse, basse (Vulcanus)
Dominik Wörner, basse (Jupiter)

il Gusto Barocco
Jörg Halubek, clavecin, direction

Un album de 2 CD du label CPO 555609-2
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Photo à la une : le chef Jörg Halubek – Photo : © Marco Borggreve