L’instrument d’abord, un surprenant clavecin à trois claviers sorti des ateliers hambourgeois de Hieronymus Albrecht Haas en 1740, dont les cinq séries de cordes autorisent un arc en ciel de sonorités, fruit d’une multitudes de combinaisons.
Benjamin Alard s’en régale dans les Courantes, les Gavottes, les Gigues des trois Suites anglaises composées pourtant trois années avant l’arrivée à Cöthen mais anticipant sur l’esprit de cette période par leur giocoso – ce que Bach a écrit de plus français, d’esprit, de facture dans toute son œuvre de clavier – mais aussi dans les fulgurances d’une stupéfiante relecture de la Fantaisie chromatique et Fugue qui ouvre ce neuvième volume dont l’orgue est absent, pour cause !
Les années heureuses de Cöthen, dévolues au service de la Cour du Prince, furent une bouffée d’oxygène après l’humiliation subie à Weimar. Un souverain jeune (vingt-trois ans), fin connaisseur, suscite chez Bach une sorte de libération de l’inspiration profane.
Les influences françaises et italiennes pimentent le discours, et s’avouent sans masque dans la cantate Amore traditore brillamment enlevée par Marc Mauillon. Benjamin Alard les fait aussi entendre dans le 5e Brandebourgeois, à tout petit effectif, incroyablement alerte, comme dans le Concerto déduit de l’ouvrage du Prince de Saxe-Weimar.
À chaque œuvre, ce clavecin unique surprend par ses timbres solaires si finement accordés à l’embellie de ce volume tout entier heureux, ignorant le culte, faisant céder sous les mains virtuoses et impertinentes la spiritualité aux plaisirs, le culte à l’invention.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
The Complete Works for Keyboard
Vol. 9 : Köthen, 1717-1723. The Happy Years
CD 1
Fantaisie chromatique et Fugue en ré mineur, BWV 903
Suite anglaise No. 6 en ré mineur, BWV 811
Concerto en ut majeur, BWV 984 (d’après le Concerto pour violon, cordes et basse continue en ut majeur, Op. 1 No. 4, du Prince-Electeur Johann Ernst IV. von Sachsen-Weimar)
Amore traditore, BWV 203
Marc Mauillon, ténor
CD 2
Concerto brandebourgeois No. 5 en ré majeur, BWV 1050
Sien Huybrechts, flûte traversière – Anne Pekkala, violon I – Paul Monteiro, violon II – Samantha Montgomery, alto – Ronan Kernoa, basse de violon
Suite anglaise No. 3 en sol mineur, BWV 808
Suite anglaise No. 5 en mi mineur, BWV 810
Benjamin Alard, clavecin
Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM92473.73
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Photo à la une : le claveciniste et organiste Benjamin Alard – Photo : © DR