Jadis le National refusa d’enregistrer les Symphonies d’Albéric Magnard, jugées de second rayon ; preuve que les temps ont changé, Cristian Măcelaru n’a guère eu à batailler pour entraîner le National d’aujourd’hui à pénétrer une autre terra incognita : les trois Symphonies de Georges Enesco, sinon les deux Rhapsodies (quoi que la Seconde … ?) rentrent probablement au répertoire de l’orchestre.
Les mètres variables, les entrelacs végétaux des polyphonies, le foisonnement des rythmes formant cette tapisserie de timbres constamment changeante, l’hétérophonie, les modes roumains aux harmonies balkaniques si étranges, tout cela est mis en coupe réglée, un peu trop à vrai dire, Cristian Măcelaru privilégiant la perfection à l’esprit.
Magnifique, mais frustrant souvent, surtout dans la Troisième Symphonie dont le Vivace, avec ses marches redoublées, son immense crescendo jusqu’au tocsin, pris dans un tempo un peu en dessous, manque l’effet de terreur, les sons d’apocalypse que Lawrence Foster et ses Lyonnais y imprimaient avec une pointe de génie.
Cette intégrale classieuse, d’une pure beauté orchestrale souvent saisissante, sacrifie trop les paysages au profit des notes, péché véniel pour la Première Symphonie qui semble répondre à celle de Paul Dukas, avec ses clairons dans les Allegros et son Lent suspendu entre ciel et terre, mortel pour la Troisième hélas ; la mieux venue sera la plus danubienne des trois, la Deuxième, Măcelaru en savourant les mélismes, détendant enfin les barres de mesure qui chez Enesco ne doivent jamais fragmenter, posées pour ainsi dire, afin d’être enjambées.
Et les Rhapsodies ? Première très en place, mais sans folie, toujours cet art de retenir, Seconde un peu terne, là où il faudrait faire chanter le lautari, mais baste des réserves : bravo au National et à son chef pour avoir osé faire entrer sous une étiquette aussi prestigieuse ces chefs-d’œuvre qui manquaient à son catalogue.
LE DISQUE DU JOUR
Georges Enesco
(1881-1955)
2 Rhapsodies roumaines,
Op. 11
Symphonie No. 1 en mi bémol majeur, Op. 13
Symphonie No. 2 en la majeur, Op. 17
Symphonie No. 3 en ut majeur, Op. 21
Orchestre National de France
Cristian Măcelaru, direction
Un album de 3 CD du label Deutsche Grammophon 4865505
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Photo à la une : le chef d’orchestre Cristian Măcelaru –
Photo : © Christophe Abramowitz