Naturalistes, descriptives, allégoriques, les Quatre Saisons n’auront probablement pas fini de passer aux moulinettes des propositions les plus extrêmes. Julien Chauvin et ses amis reviennent au texte sans le raidir, sans l’abraser, l’emportant en tempos vifs (merveilleux Largo de « L’Hiver », on croirait voir le clapotis lagunaire dans le bassin de Saint Marc), l’habillant de couleurs subtiles, osant être moderne à bon escient dans l’Allegro initial, une des pages les plus expérimentales coulées de la plume de Vivaldi.
Il y a du Tiepolo dans leur « Printemps », c’est de la musique en l’air, et une poésie immobile durant « L’Été », une torpeur envahit l’Adagio de « L’Automne » qu’une chasse de grande venue dispersera.
Le Pesée émerveillé qui s’apprête à célébrer ses noces avec Andromède s’invite au milieu de l’année. « Sovvente il sole » est une des plus troublantes pages vocales de Vivaldi. Paul-Antoine Bénos-Djian en savoure les mélancolies heureuses, se délecte du si élégant poème dont la plume est demeurée anonyme. Quelle jolie idée de l’avoir placée ici dans cette si belle voix qu’encorbellent les arabesques du violon sur les cordes à vide.
Et quel formidable ajout, en coda, que cette Follia bien moins courue que celle de Tartini, où Julien Chauvin fait briller dans l’écrin du petit théâtre sicilien de l’ambassade d’Italie les timbres de son Nicolò Gagliano, ce « Madame Adélaïde » prêté par le Château de Versailles, objet de bien des légendes, et d’une supercherie qui aura doté le catalogue des œuvres de Mozart d’un concerto particulièrement apocryphe, mais cela est une autre histoire.
LE DISQUE DU JOUR
Antonio Vivaldi (1678-1741)
Concerto pour violon, cordes et basse continue en fa majeur, RV 293 « L’autumno »
Concerto pour violon, cordes et basse continue en fa mineur, RV 297 « L’inverno »
Sovvente il sole, aria, RV 749 (extrait de l’opéra « Andromeda
liberata »)
Concerto pour violon, cordes et basse continue en mi majeur, RV 269 « La primavera »
Concerto pour violon, cordes et basse continue en sol mineur, RV 315
« L’estate »
Sonate pour deux violons et basse continue en ré mineur, Op. 1 No. 12, RV 63 « La Follia »
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor
Le Concert de la Loge
Julien Chauvin, violon, direction
Un album du label Alpha Classics 1005
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Photo à la une : le violoniste Julien Chauvin – Photo : © Franck Juery