Dès les premières notes de la Sonate en sol mineur, abrasée par cet archet au ton prophétique, la sonorité m’étreint. Sergey Khachatryan joue le violon d’Ysaÿe, un Guarneri del Gesù sorti des ateliers du luthier crémonais en 1740.
Grand instrument sombre de palette, sans l’aigu de clairon de certains autres. Cette manière d’alto dans un violon aura dicté une lecture ample et secrète, tout entière introspective jusque dans les embrasements, c’est que Sergei Khachatryan les sait avant tout poèmes, même pour les obsessions de la Deuxième.
Le temps vaste fait du recueil un voyage sous hypnose, empli de polyphonies aux voix savamment diversifiées. Quelle touche de magicien pour les images sonores de l’autre sonate en sol (la 5e), quelle variété de couleurs pour toujours faire entendre dans les lacis harmoniques la persistance du chant qui rend ce constant hommage à Bach que tant de violonistes auront délaissé préférant souligner la modernité d’un cycle à la Janus dont l’autre visage est ici saisi, troublant voyage vers un passé à jamais perdu.
LE DISQUE DU JOUR
Eugène Ysaÿe (1858-1931)
Les 6 Sonates pour violon seul, Op. 27
No. 1 en sol mineur
No. 2 en la mineur
No. 3 en ré mineur, « Ballade »
No. 4 en mi mineur
No. 5 en sol majeur
No. 6 en mi majeur
Sergey Khachatryan, violon
Un album du label naïve V5451
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Photo à la une : le violoniste Sergey Khachatryan – Photo : © DR