L’oiseau sirine qui encorbelle de ses trilles mystiques la Barcarolle de la Suite « Fantaisie-tableaux » semble répondre sous les doigts de Sergei Babayan et de Daniil Trifonov à celui qu’inventèrent Grigory Ginzburg et Alexandre Goldenweiser.
Leur conte sélène est simplement plus sombre, comme sera plus terrible de noirceur jusque dans l’exaltation centrale La nuit… L’amour commencé par un rossignol éperdu. Quel génie aura déployé le jeune Rachmaninoff dans cet Opus 5, et comme les deux amis l’entendent, y infusant des rêves et des contes, rappelant souvent l’univers de Nikolai Medtner.
Ce sera le sommet poétique de ces deux disques fabuleux où ils se feront athlètes pour la Deuxième Suite, prenant des tempos fous pour la Valse (même Vronsky et Babin ne filent pas à ce point, ça tricote du diable, sans oublier de chanter), savourant la Romance en sonorités dorées (on croirait une scène d’un film hollywoodien), se déchaînant dans la Tarentelle à nouveau dans ce sombre menaçant qui empoisonnera leur lecture paroxystique des Danses symphoniques.
Sous leurs doigts, l’orchestre ne manque pas, tout comme pour la transcription inspirée de l’Adagio de la 2e Symphonie réalisée si proche de l’original par Daniil Trifonov, décidément chez lui ici : ses Concertos l’attestaient, ce nouvel album le confirme.
LE DISQUE DU JOUR
Sergei Rachmaninoff
(1873-1943)
Symphonie No. 2, Op. 27 –
III. Adagio (version pour deux
pianos : Trifonov)
Suite pour deux pianos No. 2, Op. 17
Suite pour deux pianos No. 1, Op. 5 « Fantaisie-tableaux »
Danses symphoniques, Op. 45 (version pour deux pianos)
Daniil Trifonov, piano
Sergei Babayan, piano
Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon 4864805
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Photo à la une : les pianistes Daniil Trifonov (à gauche) et Sergei Babayan – Photo : © Julia Wesely