Décousue à force de maniérismes, la Sonate de Chopin montre l’envers de l’art de Beatrice Rana, lorsqu’elle cherche plus qu’elle ne trouve. Vous pouvez vous éviter ces errements, allez donc directement à la cinquième plage.
La Hammerklavier, autrement construite, autrement cadrée, l’inspire et l’oblige. Elle fusera sous ses doigts capables soudain de dorer le son : après les appels de trompettes qui lancent l’intrada, la pluie de petites notes scintille, révélant sa maîtrise picturale : on les croit colorées à l’or fin.
Ce qui tire l’oreille illico dans cette Hammerklavier est la maîtrise du temps, l’élan sans la grandiloquence, la fulgurance sans la violence, et dans l’Adagio un dolce qui est comme la respiration d’une âme, magique, et d’un espressivo assumé qui éloigne tout artifice.
Puisque Beatrice Rana est si naturellement chez elle dans cette Hammerklavier, on lira avec un peu d’amusement son texte où elle tente de rapprocher l’auteur de la Pastorale et celui des Polonaises : faire sonate ne suffit pas pour marier carpe et lapin, espérons que demain Beethoven l’inspire à nouveau.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 2 en
si bémol mineur, Op. 35
« Marche funèbre »
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 29 en
si bémol majeur, Op. 106
« Hammerklavier »
Beatrice Rana, piano
Un album du label Warner Classics 5054197897658
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Photo à la une : la pianiste Beatrice Rana – Photo : © DR