Un concerto pour violon ? Une épopée pour barde, un triptyque de sagas dont le violoniste serait l’aède et l’orchestre le paysage. Dès les premiers traits de Janine Jansen le conte commence, et il sera noir comme il ne l’a plus été depuis Ginette Neveu, dans ce violon dont chaque note préfère dire que chanter. Klaus Mäkelä et ses Norvégiens l’entourent d’un décor minéral, osant l’abrupt, dispensant un hiver sonore fascinant de contrôle et de suggestion. Sont-ce eux, les véritables héros d’un disque où la violoniste semble fascinée par ce cosmos glaciaire qu’ils imposent ?
Secret du chef, abolir le temps. C’est flagrant au long de l’Allegro moderato, on y perd ses repères habituels, cet enneigement inouï tire vers la symphonie. L’Adagio, lunaire, où s’évoque soudain la 4e Symphonie, augmente encore l’impression, et jusqu’au Finale dont le perpetuo devient fantasque.
Après une telle relecture, j’espérais les maelströms du Concerto de Nielsen, mais non, ce sera le Premier de Prokofiev. Janine Jansen n’a pas la chanterelle fluide, irréelle de Paweł Kochański pour lequel l’œuvre fut écrite, il ne faut pas l’entendre après Vilde Frang, mais portée par l’orchestre fuligineux composé avec une folle virtuosité par Klaus Mâkelä – écoutez le Scherzo – elle dispense des couleurs inouïes, se transcende et atteint dans les dernières pages à cette sonorité irréelle que je n’espérais plus.
LE DISQUE DU JOUR
Jean Sibelius (1865-1937)
Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Op. 47
Water Drops, JS 216*
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour violon et orchestre No. 1 en ré majeur, Op. 19
Janine Jansen, violon
Orchestre Philharmonique d’Oslo
Klaus Mäkelä, *violoncelle, direction
Un album du label Decca 4854748
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Photo à la une : le chef Klaus Mäkelä et la violoniste Janine Jansen – Photo : © Decca Records