Dobbiaco Gesang

Philipp von Steinaecker, de son pupitre de violoncelle, aura gardé brûlant le souvenir de Claudio Abbado guidant le murmure, qu’il décrivait comme le bruit de la neige tombant sur la neige, des ultimes mesures de la Neuvième Symphonie.

Montant sur l’estrade, l’oserait-il ? Oui, à condition d’augmenter la révolution que Claudio Abbado, dès son temps de jeune homme avec une « Résurrection » viennoise devenue légendaire, avait induit dans son Mahler si clair. « Mehr Licht », certes, mais au bord absolu d’un sombre qui ne s’en ôte pas.

Il ira rechercher pour ses musiciens du Mahler Academy Orchestra les instruments même que Mahler entendait à Vienne, qu’il avait voulu pour changer la sonorité de l’orchestre de l’Opéra, réinventant ce son fluide et mystérieux, aux harmonies évocatrices et aux arêtes vives (assez proche en fait dans cette Neuvième de ce que Karel Ančerl tirait de sa Philharmonie Tchèque).

Cordes montées en boyau, perces étroites des vents, percussions de peau, l’oreille s’immerge non pas dans la matière morte d’un musée, mais dans un cosmos qui semble descendre des cieux de grands lacs des DolomitesMahler vit sa Symphonie et où Philipp von Steinaecker et ses musiciens partirent enregistrer l’œuvre, en l’occurrence la salle idéale du Kulturzentrum de Toblach, toute boisée et de proportion parfaite : les micros de Christian Starke n’ont eu qu’à boire cette voie lactée jusqu’à la lie.

L’ivresse délétère des crescendos de l’Andante comodo, le sel des ländler, le chant suspendu au milieu des cercles infernaux du Rondo dont les abrasements seront de fer rouge, le temps infini, parabolique et soudain si frère de l’Abschied du Lied von der Erde, tout invite, et jusqu’au plageage si fin de ce disque génial, à rouvrir la partition.

Soudain les portées se fleurissent de montagnes, de lacs, de ciels, symphonie du Monde dont la lettre et l’esprit, si parfaitement réunis, redoublent l’émotion.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 9

Mahler Academy Orchestra
Philipp von Steinaecker, direction

Un album du label Alpha Classics 1057
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Photo à la une : le chef d’orchestre Philipp von Steinaecker –
Photo : © Annemone Taake