Fausse enfance

Pour les enfants vraiment ? Les trois cahiers de Weinberg sont étonnants à force d’inventions, de caractères, rien dans leur écriture ne les destine aux petites mains des débutants, et jusqu’à leur univers souvent sombre, ils semblent se détourner des têtes blondes.

Chez Weinberg, si versé dans la maîtrise des grandes formes, le bref concentre la poésie, ce que Leika Matoba fait entendre en regardant avec attention un texte parfois écliptique. Il y a du haïku dans ces vingt-trois instantanés : encore un Tempo di Valse (façon boîte à musique) dans le premier cahier, puis la poésie, parfois sinistre, souvent étrange, gagne tout. Au fond la triade fait entendre tout un univers lyrique qui renferme le plus secret du langage de ce génie.

D’un génie l’autre, tout en restant en Pologne : Mieczysław Weinberg est né à Varsovie, Witold Lutosławski itou, six ans auparavant. Les Mélodies populaires sont tissées de thèmes descendus des Tatras, Lutosławski les aura herborisées comme Bartók fit des chants populaires roumains, se créant un vivier de thèmes qu’il remploiera masqués tout au long de son œuvres.

Les Bucoliques coulent de la même source, et avouent plus encore la fascination pour Bartók, pour le Szymanowski des Mazurkas aussi. Le jeu de grand caractère de Leika Matoba fait entendre ces proximités sans souligner inutilement. Finalement, les enfants apparaîtront, espiègles, rêveurs ou martiaux dans les Trois Pièces que leur destine expressément Lutosławski, postlude d’un beau disque utile.

LE DISQUE DU JOUR

Mieczysław Weinberg (1919-1996)
3 Cahiers pour les enfants, Opp. 16, 19 & 23
Witold Lutosławski (1913-1994)
12 Mélodies populaires
Bucoliques
3 Pièces pour la jeunesse

Leika Matoba, piano

Un album du label TAC Classics TAC055
Acheter l’album sur le site du label TAC Classics

Photo à la une : le compositeur Mieczysław Weinberg – Photo : © DR