Feux d’artifice

Ce n’est plus vraiment un secret, Il matrimonio segreto qui fait Cimarosa si proche de Mozart s’interpose devant un continent lyrique dont on aura jusqu’ici exploré parcimonieusement le seul versant bouffe. Ce serait comme réduire Rossini à son Barbiere et ne pas considérer L’Assedio di Corinto, et ne pas vouloir entendre chez Cimarosa cette Circe, cet Artaserse, cette Semiramide qui espèrent un retour en scène et une consécration au disque.

Andrea Marcon avait révélé L’Olimpiade à Venise à l’orée du XXIe siècle, chef-d’œuvre où l’opera seria se transfigure en un constant feu d’artifices vocal. Christophe Rousset lui répond aujourd’hui, magnifiant un ouvrage fulgurant où ceux qui ne connaissent qu’Il matrimonio segreto peineront à reconnaitre Cimarosa dans ces chants dardés, cet orchestre prodigieux d’invention, ce débordement de mélodies et de rythmes.

Rousset réunit une équipe de chant superlative, donnée essentielle qui faisait tout le prix de la résurrection vénitienne qui alignait Patrizia Ciofi et Anna Bonitatibus. Rocío Pérez et Maite Beaumont relèvent le gant, la première piquant ses aigus stellaires dans les encorbellements du hautbois, la seconde ardant un chant admirable que Cimarosa destinait à Luigi Marchesi. Leur duo qui clôt l’Acte I est anthologique, et pas si loin que cela des folies vocales que le jeune Mozart destinait à Aspasie et à Sifare dans son Mitridate, re di Ponto quatorze ans plus tôt.

Marie Lys campe une Argene flamboyante, le sombre de Mathilde Ortscheidt s’emploie idéalement pour la vocalité de Licida, Alex Banfield est parfait.

Surprise avec Clistene, le roi de Sicyone, écrit aux mesures du vaste instrument de Matteo Babini. Il demande un fort ténor à l’ambitus extrême. Josh Lovell sera pour beaucoup une révélation, baryténor aux mots tranchants, au chant dardé, un futur Mitridate assurément. J’espère que Christophe Rousset et sa brillante équipe poursuivront la découverte du versant seria de Cimarosa, ce serait justice, et rendre sa véritable place à ce maître de l’art lyrique face à Salieri et Sarti.

LE DISQUE DU JOUR

Domenico Cimarosa
(1749-1801)
L’Olimpiade (1784)

Josh Lovell, ténor (Clistene)
Rocío Pérez, soprano
(Aristea)
Mathilde Ortscheidt, mezzo-soprano (Licida)
Maite Beaumont,
mezzo-soprano (Megacle)
Marie Lys, soprano (Argene)
Alex Banfield, ténor (Aminta)

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Un petit livre-disque de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS143
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Photo à la une : le compositeur Domenico Cimarosa, en gravure –
Photo : © Milan, biblioteca del conservatorio