Confinement

L’album est nommé d’après l’opus de Ravel, et c’est justice. Les Miroirs de Fazil Say sont des nocturnes une peu vampiriques, assez façon Samson François, fascinants par leurs libertés dans la rigueur, leurs couleurs où les rythmes ne se dissolvent jamais.

Il y a du magicien dans Noctuelles dont le centre rumine déjà cette jungle où les oiseaux vont pépier les torpeurs. La Barque sur l’océan est sur le point de rompre, La Vallée des cloches multiplie les échos sinistres, quel à-propos de faire Miroirs si proche de Gaspard de la nuit, d’en souligner avec tant d’art la veine étrange ; seul Alborada del gracioso manque d’une pointe plus sèche.

Sonore, solaire au contraire, la Suite bergamasque chante en plein air, et prend son temps, le pianiste rêve dans les notes, et pas seulement pour Clair de lune : les apartés du Prélude surprennent en bien, le grand caractère du Menuet étonne par son coté Watteau, c’est peint léger mais plein. Le Passepied file sa chanson, merveille qui semble faire écho au XXIe Ordre de Couperin, qui commence le disque.

Joué sans souvenir du clavecin, en plein piano, d’une désarmante simplicité dans l’exécution des portraits, cinq poèmes de clavier où le pianiste est comme à revers des maniérismes que trop y importent. Merveilleuse carte postale d’un confinement qui aura réussi à l’artiste.

LE DISQUE DU JOUR

Oiseaux tristes

François Couperin
(1668-1733)
Quatrième Livre de pièces de clavecin – Ordre XXI
Claude Debussy (1862-1918)
Suite bergamasque, CD 82
Maurice Ravel (1875-1937)
Miroirs, M. 43

Fazil Say, piano

Un album du label Warner Classics 5054197914881
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Photo à la une : le pianiste Fazil Say –
Photo : © Marco Borggreve/Warner Classics