Terreur

L’étau se resserre à mesure que la Quatrième Symphonie, écrite face aux oukases occasionnés par la Lady Macbeth de Mtsensk, entre en répétition pour sa création. On sait la suite, Chostakovitch retire l’œuvre qu’il finira par transcrire pour deux pianos, la créant sous cette forme avec Moishei Vainberg (Mieczysław Weinberg) dix ans plus tard. Finalement Kirill Kondrachine donnera la première de l’œuvre dans sa plénitude orchestrale le 30 décembre 1961 sous le regard désabusé du compositeur.

En choisissant, pour première étape de ce qui sera probablement une intégrale, de graver le triptyque des Symphonies No. 4, No. 5 et No. 6, Klaus Mäkelä expose la césure où se sera brisé l’élan du compositeur : la Quatrième reste l’œuvre la plus radicale de Chostakovitch, une symphonie-monde où passe un lointain décalque de l’univers mahlérien – ironie, lyrisme, morbidité –, ce que fait entendre avec un art poétique saisissant le jeune chef finlandais : la cantilène du violon au centre du Presto !

Mais la poésie cède le pas devant les brasiers des Allegros, devant même l’ironie mortifère et les écritures destructrices du Presto, toute la violence de la partition implose, comme jadis seul l’osa Kirill Kondrachine. Le modèle est posé ; à la fin de la Quatrième, un monde en cendres vous engloutit.

Génial, comme la lecture uniment ironique, distanciée d’une Sixième Symphonie dont, après la vaste méditation du Largo, les pieds de nez des deux scherzos fusent avec une verdeur caractéristique des bois et des vents norvégiens.

Toutes les ambiguïtés de la 5e Symphonie s’exposent dans cette phalange juste roide comme il faut, les deux faces de l’œuvre qui se mirent et se brouillent, l’ironie jusque dans la boursouflure, et puis soudain cette nuit désolée du Largo où passe l’ombre des vaisseaux de cordes mahlériens, le souvenir de la flûte du Chant de la Terre, pure émotion.

LE DISQUE DU JOUR

Dmitri Chostakovitch
(1906-1975)
Symphonie No. 4 en ut mineur, Op. 43
Symphonie No. 5 en ré mineur, Op. 47
Symphonie No. 6 en si mineur, Op. 54

Orchestre Philharmonique d’Oslo
Klaus Mäkelä, direction

Un album de 2 CD du label Decca Records 4854637
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Photo à la une : le chef d’orchestre Klaus Mäkelä –
Photo : © Frank Franklin II