La disparition prématurée de Vítězslava Kaprálová, emportée à Montpellier par la tuberculose dans sa vingt-cinquième année, fut la perte majeure de la musique tchèque du XXe siècle.
Disciple brillante de Bohuslav Martinů dont elle s’appropria la palette et les rythmes en y infusant des audaces supplémentaires, elle fut elle-même dès le premier opus de son catalogue, la Suite en miniature – d’autres partitions non numérotées et sans opus l’auront précédé. Verdeur des timbres, alacrité des rythmes, le ton est donné, plus encore lorsque les instruments se substituent au piano de la version originale. Le ton quasi iconoclaste de cette œuvre ne cédera pas, l’inspiration s’augmentant en même temps que le métier, la maîtrise de l’écriture se révélant faramineuses dès la Sinfonietta militaire, irrésistible par sa verve.
Alena Hron et ses musiciens d’Ostrava l’emportent avec pétulance, ils sont la cheville ouvrière de cette remarquable anthologie qui culmine dans les opus concertant pour le piano : le faux néo-classique de la Partita semble sous les doigts de Tomáš Vrána comme une réponse teintée d’ironie à l’admirable Concerto où la compositrice se défaisait de ses dernières tentations romantiques en les assaisonnant de motifs populaires.
Le merveilleux Sbohem a šáteček où brille le soprano fluide de Veronika Rovná fait regretter la disparition du plein disque de mélodies jadis parus chez Supraphon, part majeur de l’art de Kaprálová, lectrice impénitente.
L’anthologie est décidément précieuse, plus encore peut-être pour les partitions d’orchestre, qui renouvellent dans des prises de son exemplaires une discographie raréfiée, seulement illustrée par les enregistrements radiophoniques de František Jílek pour la Radio de Brno (édités chez Matouš avec aussi le rare Quatuor à cordes magnifié par le Quatuor Janáček), et plus récemment par une version décoiffante du Concerto pour piano selon Marek Kozák que j’avais fêtée dans ces colonnes (voir ici).
Une suite ? La cantate Ilena, mais aussi côté chambre, mélodies ou petits ensembles, quantité de pépites dorment encore dans les bibliothèques.
LE DISQUE DU JOUR
Vítězslava Kaprálová
(1915-1940)
Suite en miniature, Op. 1
(2 versions : version pour orchestre, version originale pour piano)
Sinfonietta militaire, Op. 11
Suita rustica, Op. 19
Sbohem a šáteček, Op. 14
(version pour voix et orchestre)
Prélude de Noël
Fanfare
Partita pour piano et cordes, Op. 20
Concerto pour piano et orchestre en ré mineur, Op. 7
Veronika Rovná, soprano
Tomáš Vrána, piano
Janáček Philharmonic Ostrava
Alena Hron, direction
Un album de 2 CD du label CPO555568
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Photo à la une : la compositrice Vítězslava Kaprálová – Photo : © DR