Après Brahms

Commencer un programme Seconde École de Vienne par la Sonate de Berg, c’est avouer voir la révolution d’amont, quasi de Brahms qui l’aura annoncée dans ses ultimes opus pianistiques.

Elisabeth Leonskaja en murmure les sfumatos, en tisse le motif obsessionnel dans un lacis végétal qui installe autant de silence que de tension. Les suspensions prennent sous ses doigts des couleurs scriabiniennes, je crois parfois y entendre un miroir sonore où se reflèteraient les futuristes russes ou finlandais, Roslavetz, Pingoud : c’est vraiment entendu d’ailleurs et fascinant en cela chez une pianiste devenue viennoise depuis bientôt un demi-siècle.

Miracle !, elle « dessèche » les Variations de Webern, que tant laissent à l’état de rébus, joue les Opus 11 et 19 de Schönberg comme des études de couleurs, dosant leurs harmonies en peintre, et réglant un jeu de pédale qui en augmente les mystères. Fascinant, comme la distance un rien ironique qu’elle met à la Suite, Op. 25 (écoutez la Musette) pour mieux en capturer les étrangetés poétiques où semble se mirer des souvenirs du Pierrot lunaire (l’Intermezzo).

Inexplicable l’absence de l’Opus 23 et des deux Pièces Op. 33, des fragments même (Nachlass), tous auraient tenu en sus de l’heure de ce disque fascinant.

LE DISQUE DU JOUR

Alban Berg (1885-1935)
Sonate, Op. 1
Anton Webern (1883-1945)
Variations, Op. 27
Arnold Schönberg (1874-1951)
3 Klavierstücke, Op. 11
6 kleine Klavierstücke,
Op. 19

Suite pour piano, Op. 25

Elisabeth Leonskaja, piano

Un album du label Warner Classics 5021732288264
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Photo à la une : la pianiste Elisabeth Leonskaja – Photo : © DR