Il y a certains disques que je ne n’attends pas et qui me cueillent. La fluidité irréelle du Prélude, le côté Verlaine de la Forlane, l’émotion à fleur de peau du Menuet, l’élan du Rigaudon, quel Tombeau de Couperin qui font les disparus de la Grande Guerre si touchants. La battue est légère, les rythmes souples, tout chante et les bois sont merveilleusement agrestes, la pudeur aide l’émotion.
Certes, Marc Soustrot connaît son Ravel sur le bout des doigts, mais quel bonheur de le voir trouver à Aarhus, après un grand séjour à Malmö, un orchestre si sensible à son art et si apparié à la poétique ravélienne : écoutez seulement les Valses nobles et sentimentales, si détaillées, si subtiles dans leur éventail de nuances pianos, comme cela cherche le mystère à force de suspensions, d’apartés, d’échos ; tous les sortilèges de Ravel !, qui pimenteront une Rapsodie espagnole admirable autant pour l’évocation – mystère un rien typique de Falla du Prélude à la nuit, Malagueña avec duende, Habanera capricieuse, jouée sur les pointes – que par la tenue : la Feria ne se déboutonne pas, d’autant plus éblouissante.
Une barque sur l’océan hypnotique dont on doit rappeler qu’elle contient l’un des orchestres les plus raffinés écrits par Ravel, Pavane pour un infante défunte en tempo parfait, ombrée de nostalgie, album décidément magnifique.
Vite la suite, Ma mère l’oye (ballet intégral), Boléro, La Valse, les deux Shéhérazade, Tzigane, tout Daphnis et Chloé, les Concertos, il nous les faut, portés par tant d’inspiration.
LE DISQUE DU JOUR
Maurice Ravel (1875-1937)
Le Tombeau de Couperin,
M. 68a
Valses nobles et sentimentales, M. 61B
Rapsodie espagnole, M. 54
Une barque sur l’océan,
M. 43/3 (version orchestrale)
Pavane pour une infante défunte, M. 19 (version orchestrale)
Aarhus Symphony Orchestra
Marc Soustrot, direction
Un album du label Danacord DACOCD982
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Photo à la une : le chef d’orchestre Marc Soustrot –
Photo : © DR