Tout d’un grand

Mai 1980, Berl Senofsky revient en Belgique où il avait remporté vingt-cinq ans plus tôt le Concours Reine Elisabeth. Dans le studio de la Radio de Gand, porté par l’accompagnement somptueux de Jean-Claude Vanden Eyden, son violon chante avec un lyrisme désarmant au long d’une merveilleuse Deuxième Sonate de Brahms.

Emilio Pessina a pris soin d’encadrer les gravures éparses qu’il regroupe dans ce précieux album par les deux prises captées le même jour : la Sonate de Strauss qui referme l’ensemble, est un torrent de lyrisme où s’affirme la plénitude d’un archet que le disque ignora trop.

Né de parents tous deux violonistes, gamin prodigieux, Berl Senofsky fut un représentant majeur de l’école juive américaine, fêté par tous les orchestres, au fond seul le disque lui manqua ; quelques participations en trio pour Gary Graffman seront ses seules armes pour la RCA : Jascha Heifetz occupait tout l’espace, au point qu’au lendemain de sa victoire au Reine Elisabeth, ce sera en Europe, et pour Philips, qu’il enregistrera son seul disque en soliste, Rudolf Moralt lui tissant de fantastiques paysages pour une gravure mémorable du Concerto de Brahms, avec une forte pincée de paprika dans le Finale.

L’album connaîtra un beau succès aux USA sous étiquette Epic, sans pour autant attirer l’attention des éditeurs américains. Son archet stylé qui n’oublie jamais l’espressivo y fait merveille, Forgotten Records l’a parfaitement réédité. Cette discographie officielle minimaliste rend d’autant plus précieux les témoignages radiophoniques publiés pour la première fois par Rhine Classics.

La pure beauté de ce violon, sa charge émotionnelle font décidément merveille chez Brahms (malgré le léger pleurage dans le premier mouvement de la Troisième Sonate avec Claude Frank en 1955 à Bruxelles, écho du concours, on comprend qu’il l’ait gagné !), particulièrement dans un Double Concerto orageux où l’on peut également entendre le violoncelle altier de Shirley Trepel, toute grande artiste que le disque ignora honteusement.

Hors Brahms, l’élégance règne au long d’une Première Sonate de Saint-Saëns impeccable, la poésie déborde dans la Troisième Sonate de Mendelssohn, et quel charme dans le Liebesleid de Kreisler ! Oui, décidément, Berl Senofsky était un maître.

LE DISQUE DU JOUR

Berl Senofsky (1926-2002), violon
American Virtuoso

CD 1
Johannes Brahms
(1833-1897)

Sonate pour violon et piano No. 2 en la majeur, Op. 100
Jean-Claude Vanden Eynden, piano (enr. Gand, 1980)

Sonate pour violon et piano No. 3 en ré mineur, Op. 108
Claude Frank, piano (enr. Bruxelles, 1955)

Concerto pour violon, violoncelle et orchestre en la mineur, Op. 102
Shirley Trepel, violoncelle – Atlanta Symphony OrchestraHenry Sopkin, direction (enr. Atlanta, 1959)

CD 2

Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Sonate pour violon et piano No. 3 en fa majeur, MWV Q26
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Sonate pour violon et piano No. 1 en ré mineur, Op. 75
Fritz Kreisler (1875-1962)
Liebesleid (No. 2, extrait des « Alt-Wiener Tanzweisen »)>small>
Ellen Mack, piano (enr. Washinghton, 1979)

Richard Strauss (1875-1962)
Sonate pour violon et piano en mi bémol majeur, Op. 18
Jean-Claude Vanden Eynden, piano (enr. Gand, 1980)

Berl Senofsky, violon
Un album de 2 CD du label Rhine Classics RH-030
Acheter l’album sur le site du label Rhine Classics

Johannes Brahms
(1833-1897)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 77
Danses hongroises, WoO 1
(2 extraits : No. 5 en sol mineur. Allegro ; No. 6 en ré majeur. Vivace)

Berl Senofsky, violon
Wiener Symphoniker
Rudolf Moralt, direction
Un album du label Forgotten Records FR1052
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Photo à la une : © Rhine Classics