On peine à imaginer le flamboiement orchestral dispensé par Grażyna Bacewicz, alors jeune trentenaire, dans sa Première Symphonie, qu’elle commença au plus sombre de la guerre en 1942 pour y mettre le point final en 1945 : création retardée jusqu’en 1948, le temps que la Pologne panse ses plaies. Sa suractivité rythmique, ses mètres qui changent – le Scherzo a quelque chose de Martinů -, son écriture limpide jusque dans l’appareil le plus large sont déjà d’un maître. Incroyable !, voici le premier enregistrement de cette partition excitante, qui d’ailleurs fut tenue un temps pour la Deuxième Symphonie : elle succédait en effet à une symphonie de jeunesse (1938) que Bacewicz retira de son catalogue (Łukasz Borowicz la retrouvera peut-être un jour, espérons).
Le brio et la maîtrise de l’orchestre éclatent dans l’Ouverture polonaise, partition plus iconoclaste qu’il n’y paraît. Sous le masque de l’exercice tant prisé par les Soviétiques de l’œuvre faisant la part belle aux idiomes musicaux populaires, Bacewicz compose une partition de quasi-laboratoire emplie de mesures irrégulières (5/8), histoire de brouiller les pistes. La Partita de 1955 ne regarde que d’assez loin le modèle baroque, prétexte à trois ébouriffants mouvements vifs qu’aura préludé l’entre chien et loup du Preludium.
Vertigineux saut dans l’espace et dans le temps, le Concerto pour grand orchestre symphonique (1961) écrit pour Witold Rowicki et sa phalange varsovienne, montre Bacewicz dans son atelier, créatrice de sons, d’alliages, virtuose inspirée qui rend sonore la multitude des timbres, les utilise comme des épices, sans jamais aller vers l’abstraction, partition géniale qui prouve qu’au moment où Witold Lutosławski épurait sa langue, elle entendait bien pousser plus loin la profusion incandescente de son univers sonore, à quoi répond six ans plus tard le cauchemar d’In una parte, un fil qui déroule des mystères et des visions portés par un orchestre-monde qui allait toujours plus loin dans ses prospectives. Deux ans plus tard, Grażyna Bacewicz disparaissait avant d’atteindre ses soixante ans, perte majeure pour la musique de notre temps.
Mais que Łukasz Borowicz n’en reste pas là : les deux Concertos pour violoncelle, le Concerto pour alto l’espèrent, même une nouvelle intégrale des sept Concertos pour violon, mais aussi les musiques de scène, les ouvrages lyriques, les cantates !
LE DISQUE DU JOUR
Grażyna Bacewicz
(1909-1969)
Les œuvres orchestrales,
Vol. 3
Symphonie No. 1
Ouverture polonaise
Partita pour orchestre
Concerto pour grand orchestre
In una parte
WDR Sinfonieorchester
Łukasz Borowicz, direction
Un album du label CPO 555661-2
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Photo à la une : la compositrice Grażyna Bacewicz –
Photo : © DR