Vers l’épure

Pas le premier Requiem de Verdi selon Karajan, comme pourrait le faire croire la date : de Salzbourg en 1949, Audite a révélé une bande saisissante alignant Zadek, Klose, Roswaenge, Christoff, les Wiener Philharmoniker, tout un autre monde, pour le chant comme pour l’orchestre, dont l’amère noirceur aura disparu à Vienne en ce 26 novembre 1954, Karajan retrouvant les Symphoniker, dont il était alors le patron.

Soirée d’importance, pour Karajan lui-même d’abord, qui raffine son geste, élève et épure sa vision, tient le chœur en grand forme, intériorise le Dies Irae : il avait trouvé ce qui serait désormais son Requiem de Verdi, davantage une prière qu’un théâtre, l’autel que la scène. Il importait à Vienne un quatuor de chanteurs dont trois venaient de la Scala où il avait émerveillé entre autres par des Nozze géniales. Nicolai Gedda, si preste à briller, le sait bien, qui gourme son chant et met d’abord à son Ingemisco cette ligne, cette ardeur tenue, ce feu intérieur restés uniques.

Deux comprimari peuvent sur le papier inquiéter : pas Oralia Dominguez, souveraine par le timbre, l’allégement d’un mezzo qui refuse l’effet, à elle seule et contre sa légende même, un modèle de style. Mais Giuseppe Modesti, basse claire fera des déçus pour le timbre, pourtant comment ne pas admirer la aussi le style : on sent que Karajan, du piano, l’a fait travailler.

Cette bonne surprise en cache une autre : Antonietta Stella est sidérante de présence, stupéfiante durant le Libera me, mais admirablement chantante dès ses premières apparitions. De quoi relativiser tant d’avis vétilleux sur La Traviata que Tullio Serafin voulut au studio : en fait une verdienne consommée dont les solis ici atteignent la pure beauté vocale dont elle enchanta deux fois au disque son Elisabetta di Valois.

LE DISQUE DU JOUR

Giuseppe Verdi
(1813-1901)
Messa di Requiem

Antonietta Stella, soprano
Oralia Dominguez,
mezzo-soprano
Nicolai Gedda, ténor
Giuseppe Modesti,
baryton-basse

Singverein der Gesellschaft der Musikverein in Wien
Wiener Symphoniker
Herbert von Karajan, direction
Enregistrement de concert réalisé le 26 novembre 1954

Un album de 2 CD du label Orfeo C728082B
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Photo à la une : le chef d’orchestre Herbert von Karajan à la tête de la NHK, à Tokyo, en 1954 – Photo : © DR