Dans le bel entretien que Zhu Xiao-Mei accorde à Michel Mollard, la pianiste avoue son peu d’attrait pour les intégrales, et laisse entendre que ces Suites anglaises pourraient être son opus ultime dans ce domaine (« Oui, peut-être le dernier, je ne sais pas encore »). Elle ouvre le cahier par la Suite en sol mineur (la Troisième) et recompose l’ordre du recueil (soit 3, 1, 2, 5, 4, 6), fruit d’une réflexion menée depuis son temps d’études et affirmée dans les six années qui auront séparé cette gravure de celle des Suites françaises.

Une conjonction heureuse – le repli dans la chapelle d’un petit village alpin où la pianiste réside souvent, et la trouvaille à Lugano d’un très beau Steinway parfaitement équilibré, aux aigus adamantins – aura imposé un ton intime, une volonté de chanter les polyphonies et d’enlever les danses dans un clavier léger à force de lumière, où l’esprit des clavecinistes français s’impose, tendresse, sourire, toucher évocateur, rythmes pointés, partout ce caractère d’évidence heureuse, épanoui dans une intimité où la spiritualité devient un objet domestique.

Le cercle magique est brisé pour la 6e Suite, restée à la coda du recueil, son chromatisme angoissé, ses déploiements harmoniques stupéfiants font soudain contraste avec les tendresses des mélodies, les caprices des danses, l’art mélodique, soudain Bach regarde ailleurs, et Zhu Xiao-Mei l’accompagne, passant de l’autre côté du miroir.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)

Les 6 Suites anglaises
Suite No. 3 en sol mineur, BWV 808
Suite No. 1 en la majeur, BWV 806
Suite No. 2 en la mineur, BWV 807
Suite No. 5 en mi mineur, BWV 810
Suite No. 4 en fa majeur, BWV 809
Suite No. 6 en ré mineur, BWV 811

Zhu Xiao-Mei, piano

Un album de 2 CD du label Accentus Music ACC30428
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Photo à la une : la pianiste Zhu Xiao-Mei – Photo : © Carole Bellaiche