Les Sonates oubliées

Un soir que je dinais avec Robert Soetens, il me prit au dépourvu. « Connaissez-vous la Deuxième Sonate de Milhaud ? ». Je ne l’avais jamais entendue. Le lendemain il me la fit découvrir, me faisant entendre une cassette où Suzanne Roche l’accompagnait.

Belle partition, dédiée à André Gide, datant du temps de son ambassade au Brésil, juste épicée d’un zeste de polytonalité, mais avant tout pastorale, et culminant dans un merveilleux Très lent. Amara Tir en exalte les tendresses, en savoure les Vifs joueurs où passe un peu de Brésil. Jean Dubé lui offre des paysages où poser son archet.

Si cette Deuxième Sonate a été chichement enregistrée, la Première s’est encore faite plus rare au disque. Comment Milhaud a-t-il pu la répudier, alors qu’il s’y dénoue, avec bien des admirations encore, de l’influence debussyste, ce que le violoniste donne à entendre : tant de sensualité rappelle Le jet d’eau, les extases d’un temps révolu où la sensualité délivrait les compositeurs du Romantisme, musique de sensations panthéistes dont les deux interprètes exaltent les beautés un peu troubles.

En coda, la merveilleuse Sonate de Théodore Dubois composée pour Eugène Ysaÿe et Raoul Pugno à l’orée du XXe siècle, trouve davantage sous l’archet-poète d’Amara Tir sa veine lyrique – l’Andante, trésor de l’œuvre, sait émouvoir – que le feu des Allegros, Jean Dubé restant plus qu’un partenaire attentif, un inspirateur.

LE DISQUE DU JOUR

Darius Milhaud
(1892-1974)
Sonate pour violon et piano No. 1, Op. 33
Sonate pour violon et piano No. 2, Op. 40
Théodore Dubois
(1837-1924)
Sonate pour violon et piano
en la majeur

Amara Tir, violon
Jean Dubé, piano

Un album du label Continuo Classics CC 777.840
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Photo à la une : © DR