Un premier disque Schubert (voir ici) promettait beaucoup. Il aura fallu attendre un peu longtemps le troisième album – un second opus Schubert est paru chez RCA Allemagne, ici – de cette pianiste décidément chez elle à Vienne.
Son Mozart pourra surprendre pourtant, plein d’apartés, jouant volontiers avec la mesure, sans que jamais le sentiment d’un excès paraisse. Ran Jia sait trop bien masquer ses volontés derrière un pianisme somptueux qui s’écoute d’abord, laissant peu à peu paraître cette manière si singulière d’interpréter, rappelant les audaces expressives de Lili Kraus, qui justement les vernissait de ce même son parfait.
C’est merveille pour la Sonate en si bémol majeur, pour la « Dürnitz », toutes deux de demi-caractère, et des plus difficiles à appréhender parmi le corpus : leurs humeurs si subtilement changeantes risquerait de passer inaperçues sous des doigts moins poètes.
L’horizon expressif s’élargit pour une fulgurante Sonate en la mineur, dont Ran Jia n’entend pas minorer le martèlement des accords qui portent l’Allegro maestoso jusqu’à l’assombrissement au mineur, ici vertigineux de puissance.
Un orchestre s’invite tout du long des trois mouvements, saisissant le ton épique de cette œuvre que Walter Gieseking ou Dinu Lipatti jouaient avec la même fièvre (le Finale !), puis en coda le théâtre de la Fantaisie en ut mineur, entre murmure de nostalgie (l’éclairage si fin du « menuet ») et alarme, si subtilement menée.
Oui, décidément Ran Jia tient ses promesses…
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour piano No. 3
en si bémol majeur, K. 281/189f
Sonate pour piano No. 6
en ré majeur, K. 284/205b “Dürnitz”
Sonate pour piano No. 8
en la mineur, K. 310/300d
Fantaisie en ut mineur, K. 475
Ran Jia, piano
Un album du label Prospero Classical PROSP0108
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Photo à la une : la pianiste Ran Jia – Photo : © DR